20/08/2024
Un expert de la self défense vient de partager en vidéo sa dernière technique redoutable, et vous souhaitez l’apprendre pour vous en servir.
Mais, est-ce qu'il y un intérêt à apprendre la self défense ? Ou alors êtes-vous totalement aveuglé par le biais du survivant ?
Quelle que soit la pratique de self défense exercée, les performances des grands noms des disciplines font toujours recette.
Quand on est passionné d'une méthode de défense personnelle ou d'un sport de combat, on aime souvent regarder les performances stratosphériques que les idoles d’Internet réalisent à travers un petit écran.
Les divinités de la self défense n’y échappent pas.
Sauf que pour la quasi-totalité de ces experts, leur démarche est totalement biaisé. Car ils souffrent quasiment tous des mêmes maux que les simples Terriens que nous sommes : les biais cognitifs.
Un biais cognitif est un processus de pensée automatique et souvent inconscient qui façonne notre jugement et notre perception.
Ces mécanismes mentaux ancestraux nous aident à prendre des décisions rapidement, mais peuvent également nous induire en erreur. (1)
Bien que non-reproductibles dans le monde réel, inutile pour survivre dans un combat de rue et souvent décontextualisées, il est pourtant souvent possible de reproduire ces techniques dans une salle de sport ou un dojo.
De plus, ces gestes bénéficient de plus en plus d’une grande couverture médiatique.
Par contre personne ne semble ouvertement prêt à se poser les questions de l’origine éthologique même de ces réponses comportementales :
Est-il utile d’apprendre ce type de technique ? Est-ce que je vais vraiment un jour être confronté à ce type de situation qui nécessite ce type de réponse ? Ce type d'agression existe t'il vraiment ? Où sont les sources ? Etc.
Les divinités de la self défense sont simplement victime du biais du survivant (2), et nous avec.
Le biais du survivant est un raccourci cognitif qui se produit lorsqu'un sous-groupe ayant réussi est pris pour le groupe entier, en raison de l'invisibilité du sous-groupe ayant échoué.
Le nom du biais provient de l'erreur commise par un individu lorsqu'un ensemble de données ne prend pas en compte que les observations « survivantes », en excluant les points qui n'ont pas survécu.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Abraham Wald s’est intéressé au biais du survivant afin de trouver des solutions pour réduire la perte des avions victimes de tirs ennemis.
En se penchant sur les dommages subis par les aéronefs de retour de mission, il a conclu, qu’il fallait blinder les endroits les moins endommagés des appareils.
Effectivement, il s’est rendu compte que toutes les études précédentes ne prenaient en compte que les aéronefs qui étaient rentrés à la base et donc qui avaient survécus en occultant totalement tous ceux qui avaient disparus.
Par conséquent, il a rapidement constaté que les endroits impactés identifiés sur les avions épargnés représentaient les zones capables de mieux résister aux dommages puisque les avions réussissaient à revenir au camp de base.
C’est exactement la même chose pour les techniques de self défense pure.
Elles n’ont fonctionné statistiquement que pour une minorité.
Le biais du survivant n'est pas limité à sa découverte pendant la guerre.
Il se manifeste toujours dans de nombreux aspects des entraînements de self défense.
En pédagogie, ce biais peut conduire les « experts » actuels à surestimer les stratégies pédagogiques qui ont réussi pour certains élèves, tout en ignorant les réels besoins des élèves qui ont échoué malgré ces stratégies.
Le biais du survivant est donc une tendance à généraliser une conclusion à une population, à un ensemble de personnes, en s’appuyant uniquement sur des éléments positifs en possession des « experts », et particulièrement médiatisés.
Cela souligne qu’adopter les mêmes techniques que les élites, sous prétexte qu’ils performent, n’est par défaut pas du tout une bonne idée.
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