02/12/2024
Les armes jouent un rôle significatif dans les incidents violents aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans le monde, où elles sont impliquées dans une majorité des décès
violents.
Cependant, les comportements liés à leur port et à leur utilisation ont longtemps été négligés dans la recherche, souvent perçus comme des précurseurs ou des facilitateurs de la violence, plutôt
que comme des comportements distincts.
Récemment, des homicides en milieu scolaire aux États-Unis et des crimes au couteau au Royaume-Uni ont ravivé l'intérêt pour ces questions.
Malgré l'importance de ces problématiques, les données et les politiques fondées sur des preuves restent insuffisantes pour les comprendre et les prévenir.
L'étude (1) examine les théories existantes sur le port et l'utilisation d'armes, propose des pistes théoriques nouvelles et identifie les facteurs qui influencent ces comportements au niveau
individuel et interpersonnel.
Elle distingue le port d'une arme (possession) et son utilisation (menace ou blessure), suggérant que ces actes sont motivés par des dynamiques différentes.
Les recherches disponibles, ainsi que les efforts de prévention de la violence armée, sont également analysés. Enfin, des orientations pour des études futures sont proposées, soulignant la
nécessité de dissocier ces concepts pour mieux appréhender leurs causes et conséquences.
Deux approches théoriques principales expliquent l'utilisation des armes :
L'étude rejette la première perspective, soulignant que les facteurs favorisant l'utilisation des armes ne sont pas uniquement liés à la violence ou à l'agressivité.
Elle propose une perspective théorique distincte pour mieux comprendre et prévenir cette violence armée.
L'utilisation des armes peut être instrumentale (atteindre des objectifs non violents, comme la défense) ou expressive (manifester une agressivité).
Chez les humains et les primates, les armes sont utilisées pour des motifs défensifs ou offensifs, reflétant leur rôle évolutif dans le développement des capacités humaines, comme la coordination
œil-main et le langage.
Des données épidémiologiques renforcent ces analyses, comme l’exemple de la Suisse, où un taux élevé de possession d’armes à feu s’accompagne de faibles taux de criminalité violente, illustrant l'importance des facteurs culturels et contextuels.
Harding explique les différences dans l'utilisation des armes entre les États-Unis et la Suisse par des contextes culturels et institutionnels distincts.
Aux États-Unis, la possession d'armes à feu relève d'un droit constitutionnel, souvent motivée par des raisons personnelles.
En Suisse, elle est perçue comme une responsabilité civique envers l'État. Ces attitudes sont façonnées par l'apprentissage social, via les pairs et la famille.
Il intègre également un paradigme de choix rationnel, affirmant que les délinquants choisissent leurs armes en fonction des besoins spécifiques de leurs infractions, comme la gestion des victimes
dans un vol à main armée.
Il distingue les armes selon leur valeur perçue : le pistolet, vu comme défensif, et le couteau, comme offensif. Il propose que des peines minimales obligatoires pour l'utilisation d'armes à feu
pourraient réduire leur usage criminel, bien que les preuves de cette assertion soient limitées.
La décision de porter ou d'utiliser une arme ne se limite pas à des motivations agressives. Elle est influencée par des facteurs situationnels, le contexte d'initiation aux armes, et les
conséquences anticipées.
Cette recherche élabore ensuite un cadre théorique liant les décisions individuelles et celles des États-nations en matière d'utilisation d'armes, mettant en lumière le rôle central de la
perception subjective de l’« adversaire perçu ».
Wilkinson et Fagan (2001) proposent une approche interactionniste pour expliquer les comportements liés aux armes, en se concentrant sur les dynamiques sociales et contextuelles des altercations
violentes.
Leur théorie examine les décisions successives menant à l’usage d’une arme, telles que le port d’une arme, l’escalade d’un conflit, et l’utilisation effective de l’arme.
Ces décisions suivent une analyse rationnelle intégrant les coûts, les attentes et les résultats perçus, bien que les jeunes, influencés par des sous-cultures violentes, manifestent souvent une
perception myope des conséquences.
Ils mettent en évidence :
Les auteurs relient ces dynamiques à des modèles plus larges d'acquisition d'armes par les États-nations.
Ils suggèrent que des cadres décisionnels similaires, tels que les interactions stratégiques (« action-réaction ») ou la création de cohésion interne par des conflits externes, peuvent éclairer
les comportements individuels, notamment au sein de groupes violents comme les gangs.
Enfin, ils recommandent de cibler à la fois les comportements individuels et les structures de groupe pour réduire la violence liée aux armes.
L’application de concepts issus de la littérature sur les relations internationales (comme le partage des responsabilités ou la dissuasion) pourrait enrichir les interventions futures, bien que
cela reste théorique pour l’instant.
Le choix d’une arme dans des contextes de violence reflète une combinaison de facteurs sociaux, contextuels et utilitaires. Kleck et McElrath (1991) soulignent que les armes, particulièrement les
armes à feu, jouent un rôle essentiel en raison de leur efficacité pour infliger des dommages ou dissuader des actes criminels.
Cependant, ce choix est aussi influencé par des facteurs tels que la socialisation, la disponibilité des armes, et les intentions du porteur.
Harding (1993) décrit l’utilisation des armes comme un outil rationnel pour gérer les victimes dans des situations telles que les vols à main armée, le choix étant déterminé par la « valeur
opérationnelle » de l’arme pour le crime.
Cependant, d’autres motivations, comme la défense personnelle, jouent également un rôle important. Bailey, Flewelling et Rosenbaum (1997) notent que les adultes achètent souvent des armes pour
leur sécurité, tandis que les adolescents tendent à utiliser des armes dans des contextes de conflit.
Des différences de genre sont observées dans le choix et l’usage des armes. Pickett et al. (2005) montrent que les hommes privilégient des armes offensives comme les pistolets ou les bâtons,
tandis que les femmes préfèrent des outils défensifs comme le gaz poivré, bien que ces tendances puissent refléter la disponibilité des armes selon les sexes plutôt que des décisions purement
rationnelles.
Le choix d’une arme n’est pas simplement déterminé par l’agression ou la violence, mais résulte d’une interaction complexe entre la disponibilité, les motivations, le contexte social et les objectifs perçus.
Wells et Horney (2002) ont analysé 2 085 incidents violents pour examiner les rôles des armes et les intentions des délinquants.
Ils ont constaté que l'utilisation d'armes, notamment les armes à feu, réduit le risque de blessure (58 % de moins qu'une attaque sans arme), mais augmente la gravité des blessures lorsqu'elles
se produisent.
A titre d’exemple, les armes à feu augmentent considérablement le risque de décès, surtout selon le calibre de la balle, tandis que les couteaux multiplient ce risque par quatre par rapport aux
agressions sans arme.
Les avantages :
Les coûts :
L’usage des armes dans la violence modifie radicalement la balance coûts-bénéfices, en rendant les actes violents à la fois plus accessibles et plus risqués.
L’efficacité accrue des armes comme outil de coercition ou de domination est contrebalancée par leurs graves conséquences physiques, juridiques et sociales.
La simple présence d'une arme peut intensifier les comportements agressifs. Des études montrent que les mots associés aux armes augmentent les réponses liées à l’agression dans des tâches
expérimentales, un effet connu sous le nom d’amorçage des armes.
Ce phénomène dépend du contexte (par exemple, armes de chasse versus armes d’assaut) et de la familiarité individuelle avec les armes.
Les utilisateurs fréquents d’armes peuvent être moins sensibles à cet effet, tandis qu’il est potentiellement plus marqué dans les sociétés où la disponibilité des armes est faible.
Cependant, ces résultats, bien établis en laboratoire, n’ont pas encore été confirmés dans des situations réelles.
Contrairement à leur effet agressif potentiel, des études comme celles de Kleck et McElrath (1991) suggèrent que la présence d’une arme dans des situations à risque de violence peut parfois
réduire la probabilité de violence réelle.
Une arme, qu’elle soit un couteau ou une arme à feu, peut agir comme un outil de coercition, permettant de contrôler autrui en augmentant la menace perçue.
L’utilisation des armes sera explorée dans deux dimensions principales :
Cette distinction conceptuelle permet de mieux comprendre les motivations derrière le port et l’usage des armes.
La violence armée, avec ses conséquences physiques et psychologiques graves, reste un comportement insuffisamment exploré dans la recherche globale.
Un modèle général du parcours du port et de l’utilisation des armes a été proposé comme point de départ pour étudier les composantes clés de ce phénomène, en intégrant des facteurs psychosociaux,
motivationnels et situationnels. Ce modèle reste simpliste et demande à être approfondi.
Les connaissances actuelles révèlent des idiosyncrasies du comportement lié aux armes, mais de nombreux aspects restent peu étudiés, notamment les dynamiques complexes de peur, d’agression, de
coercition et d’expression.
Les armes ne doivent pas seulement être vues comme des corollaires de la violence, mais comme des comportements autonomes avec des antécédents, des dynamiques propres, et des conséquences
spécifiques.
Il est essentiel de comprendre ces comportements dans leur contexte social, en tenant compte des privations et des sous-cultures de la violence.
Une meilleure compréhension de la violence armée nécessite une enquête renouvelée, interdisciplinaire et approfondie.
Ces efforts pourraient enrichir considérablement les stratégies de prévention et réduire l’impact dévastateur des armes dans les conflits interpersonnels.
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Sources :
(1) Weapons and violence: A review of theory and research. R. Brennan, Simon C. Moore.
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(2) https://www.cnrtl.fr/definition/subsomption
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