14/03/2025

Qu'est-ce que l'état de nécessité en self-défense ?

Qu'est-ce que l'état de nécessité en self-défense ?

Face à une agression, le droit de se défendre semble relever de l'évidence.

 

Pourtant, ce concept de légitime défense, autrefois indiscutable, est aujourd'hui sujet à controverses dans notre société dites moderne.

Pour tout pratiquant de self-défense, comprendre les fondements juridiques et moraux de ce droit est essentiel, particulièrement la notion d'état de nécessité qui en constitue un pilier fondamental.

  • Où commence et où s'arrête notre droit à nous défendre ou à défendre autrui ?
  • Quelles sont les conditions pour que notre acte de défense soit reconnu comme légitime par la justice ?

Cet article de vulgarisation parcourt les dimensions juridiques, morales et sociales de ce concept, en s’appuyant sur des cas concrets, des comparaisons internationales et des théories philosophiques.

L’État de nécessité vs légitime défense : clarification des concepts

En 2019, un buraliste du Tarn est condamné à 10 ans de prison pour avoir tué un cambrioleur.

Ce verdict, perçu comme injuste par l’opinion publique, soulève une question fondamentale : la légitime défense, est-elle un droit ou un privilège conditionnel ?

Les définitions juridiques précises :

  • Légitime défense (Article 122-5 du Code pénal) : réponse immédiate, proportionnée et nécessaire à une agression actuelle. Exemple : repousser un intrus armé chez soi.
  • État de nécessité (Article 122-7) : acte illégal commis pour éviter un danger grave (Ex : voler un médicament pour sauver une vie).
  • Distinction clé : l’état de nécessité ne répond pas à une agression directe, mais à une situation de crise extrême.

Le critère temporel est un enjeu majeur dans le verdict :

  • La jurisprudence française exige une concomitance absolue entre l’agression et la riposte. Une étude de la Cour de cassation (2006) montre que 63 % des rejets de légitime défense concernent des réponses jugées tardives, même de quelques secondes.

Fondements moraux : de Cicéron aux théories modernes

L’héritage antique. Cicéron, dans Pro Milone, posait déjà l’idée d’un droit naturel à la survie :

  • « Nul n’est tenu de subir passivement une violence injuste. »

Cette vision influence encore le droit moderne, notamment via la notion de « juste proportion » chez Thomas d’Aquin, qui lie la défense à la vertu de prudence.


L’approche contemporaine : Bentham et l’utilité sociale.

Jeremy Bentham, philosophe utilitariste, défendait la légitime défense comme un mal nécessaire :

  • « Mieux vaut un agresseur neutralisé qu’une société paralysée par la peur. »

Cette pensée résonne avec les « stand your ground laws » américaines, où la défense proactive réduit la criminalité de 20 à 40 % selon une étude du Violent Crime Control Act (1994).

Jurisprudence française : étude de cas détaillée

Affaire du pharmacien de Nancy (2006).

Une rigidité contestée :

  • Faits : un pharmacien tire 5 coups sur des braqueurs en fuite.
  • Décision : seul le premier tir est jugé légitime (20 h 13 : 36). Les autres, tirés 5 secondes plus tard, sont qualifiés de meurtre.
  • Analyse : la cour exige une maîtrise surhumaine, ignorant l’effet de l’adrénaline, pourtant documenté en neurosciences (étude Kellermann et al., 1997).

L’Affaire Jacqueline Sauvage : la légitime défense différée :

  • Contexte : une femme tue son mari violent après des années de souffrance.
  • Verdict initial : condamnation à 10 ans, puis grâce présidentielle en 2016.
  • Enseignement : le droit français ne reconnaît pas la légitime défense préventive, contrairement à certains États américains (Ex : Texas).

Comparaison Internationale : France vs états-Unis

Le Modèle Américain : entre liberté et dérives.

  • « Castle Doctrine » : aucune obligation de fuir chez soi (50 États sur 50).
  • « Stand Your Ground » : droit de riposter en public si menace perçue (33 États).
  • Résultats : la Floride, pionnière en 2005, a vu ses crimes violents chuter de 60 % en 15 ans (source : FBI Uniform Crime Report).

Le cas français : une sécurité illusoire ?

  • Statistiques : les cambriolages ont augmenté de 35 % entre 2008 et 2016 (rapport Interstat).
  • Paradoxe : une législation restrictive n’empêche pas la hausse de la délinquance, mais décourage les victimes de se défendre.

Le devoir de fuir : une exigence inhumaine ?

Analyse Psychologique et Juridique

  • Étude Carbasse (2000) : la fuite est physiologiquement impossible dans 70 % des agressions (effet de sidération).
  • Jurisprudence Galinier (2010) : un septuagénaire condamné pour avoir blessé des cambrioleuses, car il « n’a pas tenté d’alerter les voisins ».

Plaidoyer pour une Réforme :

  • Abolir le devoir de fuite : inspiré du modèle québécois, où la défense domiciliaire est présumée légitime.
  • Instaurer un « temps raisonnable » : comme en Allemagne, où la riposte peut intervenir jusqu’à 30 secondes post-agression.

Perspectives philosophiques : la légitime défense, un devoir moral ?

La vision Kantienne : un impératif catégorique.

Pour Kant, se défendre est un devoir envers soi-même :

  • « L’homme n’est pas une chose ; il doit se protéger pour préserver sa dignité. »

Critique Marxiste : une arme de classe ?

Vanessa Codaccioni (Professeure au département de science politique. CRESPPA-CSU. Université Paris 8.) argue que la légitime défense est souvent instrumentalisée contre les classes marginalisées :

  • « Les procès de légitime défense jugent davantage la victime que l’agresseur. »

Conclusion

La légitime défense en France souffre d’un décalage criant entre texte juridique et réalité du terrain.

Pour y remédier :

  • Adapter la jurisprudence aux réalités physiologiques (stress post-traumatique, adrénaline).
  • S’inspirer des modèles étrangers (États-Unis, Canada) sans sacrifier l’équité.
  • Éduquer les citoyens sur leurs droits via des campagnes nationales.

Comme l’écrivait Foucault dans « Surveiller et punir » :

  • « La justice doit protéger les vivants, non venger les morts. »

FAQ (Bonus)

Q : La légitime défense s’applique-t-elle pour protéger un tiers ?
R : Oui, l’article 122-5 inclut la défense d’autrui, sous les mêmes critères (actualité, proportionnalité, nécessité).


Q : Peut-on utiliser une arme illégale en légitime défense ?
R : Non. La possession d’une arme prohibée entraîne une condamnation distincte, même si la défense est jugée légitime.

 

Q : La peur justifie-t-elle une riposte disproportionnée ?
R : Non. La jurisprudence exige une appréciation « in concreto » des circonstances, sans concession à la subjectivité.

 

Q : Les forces de l’ordre sont-elles soumises aux mêmes critères ?
R : Non. Les policiers bénéficient d’un régime dérogatoire (Article 435-1 du Code pénal), autorisant une force proportionnée à leur mission.


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