11/08/2024

Pourquoi personne n'agit lors de violence ?

Pourquoi personne n'agit lors de violence ?

Jusqu’à récemment, les comportements de non-intervention des personnes face à la violence étaient attribués à « l’effet spectateur », décrit par John Darley et Bibb Latane en 1968.

 

Cette théorie psychosociale, considérée comme universelle chez l'homme, propose que la présence d'autres personnes lors d'une urgence réduit la probabilité qu'un individu intervienne pour aider.

 

Le cas de Kitty Genovese et son impact

 

Darley et Latane ont été les premiers à étudier ce phénomène, inspirés par le cas de Kitty Genovese en 1964, où des médias rapportèrent que 38 passants avaient observé une agression mortelle et non pas agit.

 

Cependant, des études récentes remettent en question ce récit. Les principes de décision lors d'une confrontation à la violence ne pas généralisable aussi simplement.  

Remise en question de la théorie classique

Théories alternatives et critique des sciences sociales :

 

Depuis longtemps, les sciences sociales avancent des théories non vérifiables, telles que l'idée selon laquelle vivre parmi une foule d'étrangers en milieu urbain diminuerait notre sensibilité aux besoins d'autrui, engendrant ainsi des « normes de non-implication » ou « d'apathie ».

Nouvelles approches et méthodes de recherche

Des décennies de recherche plus tard, d'autres chercheurs ont utilisé diverses méthodes pour explorer cette « non-implication » des témoins dans des situations de violence publique, toujours centrées sur l'hypothèse de « l'effet spectateur ».

 

Cette théorie est un exemple classique de la manière dont une théorie scientifique peut être adoptée par le grand public et les médias comme une vérité incontestable, expliquant tous les cas similaires.

Probabilité d'intervention : une analyse approfondie

Distinction entre intervention individuelle et globale :

 

Cependant, sans interprétation précise des résultats, la confusion entre la probabilité individuelle d'intervention et la probabilité globale qu'au moins une personne intervienne peut conduire à des conclusions trompeuses sur les comportements vérifiables.

 

De nombreuses personnes se souviennent de reportages où des témoins n'ont pas aidé une victime en public.

 

Expériences et découvertes de Darley et Latane :

 

Motivés par cette tragédie et la pression populaire, Darley et Latane ont cherché à comprendre pourquoi les témoins n’intervenaient pas.

 

À travers plusieurs expériences simulant divers scénarios d’urgence, ils ont découvert que la présence d'autres témoins créait une diffusion de la responsabilité, réduisant ainsi la motivation individuelle à intervenir.

Nouvelles perspectives sur l'intervention des témoins

Importance de la probabilité globale d'intervention :

 

Cette théorie, largement acceptée, a été reproduite sous différents scénarios et figure dans la majorité des manuels d'introduction à la psychologie.

 

Cependant, savoir que la probabilité qu'un individu intervienne diminue en présence d'autres personnes n'aide pas à déterminer la probabilité globale qu'au moins un témoin agisse pour aider une victime.

 

Pour la victime, la question cruciale demeure : « Recevrai-je de l'aide en cas de besoin ? ».

 

Manque de recherches sur l'intervention globale :

 

Il est donc essentiel de distinguer la probabilité d'une intervention individuelle de la probabilité globale qu'au moins une personne aide.

 

Pourtant, malgré les nombreux scénarios d'urgence étudiés du point de vue de l'observateur individuel, peu d'études examinent la probabilité d'intervention globale, c’est-à-dire si au moins un témoin intervient lors d'un événement d'urgence.

L'étude de Philpot et al. : Une nouvelle approche

Utilisation de la vidéosurveillance pour observer l'intervention :

 

La vidéosurveillance est de plus en plus reconnues comme une source de données précieuse pour quantifier les interactions humaines réelles.

 

Avec la propagation des caméras de surveillance, il est désormais possible d'observer des situations d'urgence réelles dans leur contexte naturel, sans interférence.

 

Analyse des conflits publics dans trois pays :

 

Dans cette étude, Philpot, R., Liebst, L. S., Levine, M., Bernasco, W., & Lindegaard, M. R. ont examiné les taux d'intervention des témoins lors de 219 litiges publics agressifs capturés par des caméras de surveillance dans trois pays : Le Cap (Afrique du Sud), Amsterdam (Pays-Bas), et Lancaster (Royaume-Uni).

Résultats et implications de l'étude

Ce corpus vidéo transnational, le plus grand de ce genre, offre une occasion unique d'observer à quelle fréquence les témoins interviennent réellement dans des situations d'agression publique.

 

 

L'objectif était d’évaluer si la présence de témoins supplémentaires augmentait la probabilité d'intervention, de déterminer le pourcentage de conflits où au moins un témoin intervenait, et d'examiner si cette probabilité variait selon les contextes nationaux, qui ont des perceptions différentes de la sécurité publique.

Remise en question de l'effet spectateur

La question centrale, souvent négligée, est de savoir si l'augmentation du nombre de témoins compense la baisse de la volonté d'aider de chacun.

 

Une question soulevée par Darley et Latane mais souvent ignorée par les études ultérieures.

Limites et perspectives de recherche future

Les données comprenaient des vidéos de conflits capturés par des caméras de surveillance dans des zones urbaines.

 

Contrairement à la théorie de Darley et Latane sur « l’effet spectateur », il a été constaté qu'au moins un témoin est intervenu dans 90,9 % des situations, avec une moyenne de 3,76 intervenants par vidéo.

 

Comme toutes les études, celle-ci a des limites. Le taux d'intervention très élevé peut être attribué à divers facteurs qui méritent d'être discutés. Pour plus d’informations, voir les références.


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Sources :

 

- Bystander Effect In Psychology

https://www.simplypsychology.org/bystander-effect.html

- The experience of living in cities. Milgram, 1970

https://psycnet.apa.org/record/1971-26649-001

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Stigmate_(Erving_Goffman)

- The Kitty Genovese murder and the social psychology of helping: the parable of the 38 witnesses

- Rachel Manning, Mark Levine, Alan Collins

- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17874896/

- Education or indoctrination? The accuracy of introductory psychology textbooks in covering controversial topics and urban legends about psychology.

https://psycnet.apa.org/record/2018-37444-001

- Practical Solutions for Sharing Data and Materials From Psychological Research

https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2515245917746500

- Video can make behavioural science more reproducible Gilmore & Adolph, 2017

https://www.nature.com/articles/s41562-017-0128

- Lessons Learned from Crime Caught on Camera

- Marie Rosenkrantz Lindegaard, Wim Bernasco

https://research.vu.nl/en/publications/lessons-learned-from-crime-caught-on-camera

- Would I be helped ? Cross-national CCTV footage shows that intervention is the norm in public conflicts

- Richard Philpot 1, Lasse Suonperä Liebst 2, Mark Levine 1, Wim Bernasco 3, Marie Rosenkrantz Lindegaard 3

https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Famp0000469

- Situational Factors in Disputes Leading to Criminal Violence

- Richard Felson. Pennsylvania State University. Henry J. Steadman. Policy Research Associates, Inc.

https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1745-9125.1983.tb00251.x

- Ten years of research on group size and helping. Latané et Nida, 1981

https://psycnet.apa.org/record/1981-12743-001