12/11/2024
Les découvertes archéologiques relatives à la violence et aux conflits armés dans les sociétés anciennes offrent des perspectives cruciales pour comprendre les dynamiques de violence au
sein de ces civilisations.
Ces témoignages matériels des violences dans les sociétés primitives, notamment les blessures visibles sur les restes humains et les structures liées à des évènements violents, permettent de
reconstruire les modalités de la violence et ses impacts sur les individus et les groupes en présence.
L'étude (1) des causes et des effets de ces violences dans des sociétés disparues peut ainsi nous éclairer sur les processus sociaux et politiques complexes qui traversent le temps et
l’espace.
En se concentrant sur le Néolithique de l’Europe du Nord-Ouest, ce travail met en lumière l’importance des vestiges squelettiques humains comme indice principal pour appréhender les différents
types de violence qu’il s’agisse de violences interpersonnelles ou de conflits à plus grande échelle.
Les restes humains, souvent marqués par des traumatismes (fractures, coupures, traces d’armes), sont des témoins directs des pratiques violentes et constituent un outil indispensable pour
analyser les rapports sociaux dans les sociétés primitives.
Cette période, marquée par des transformations sociales et technologiques majeures, comme l’essor de l’agriculture et l’apparition de communautés sédentaires, a également été celle de tensions
croissantes entre les groupes humains, tensions qui se sont souvent traduites par des actes de violence.
Les chercheurs ont utilisé des méthodes bioarchéologiques (2) pour examiner des restes squelettiques humains provenant de divers sites au Danemark, en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en
Espagne et en Suède.
L’objectif était de rassembler ces données afin de dresser pour la première fois une carte des preuves de violence dans le nord-ouest de l’Europe durant le Néolithique, une région qui détient la
plus grande concentration de sites néolithiques fouillés à l’échelle mondiale.
L’équipe, composée de chercheurs des universités d’Édimbourg, de Bournemouth, de Lund (Suède) et du Centre de recherche ostéoarchéologique (3) en Allemagne, a analysé les squelettes à la
recherche de blessures, principalement sur les crânes, causées par des coups contondants.
Plus de 10 % des individus étudiés présentaient des dommages résultant probablement de coups répétés à la tête avec des armes contondantes ou des haches en pierre. Des blessures pénétrantes,
probablement dues à des flèches, ont également été identifiées.
Certaines de ces blessures étaient associées à des fosses communes, ce qui laisse penser qu'il pourrait s'agir de traces de la destruction de communautés entières, selon les chercheurs.
Le Dr Linda Fibiger, de l’Université d’Édimbourg, explique que :
« Les os humains représentent la preuve la plus directe et la plus fiable des violences passées. Notre capacité à distinguer les blessures mortelles des fractures survenues après la mort s’est
considérablement améliorée ces dernières années, tout comme notre aptitude à différencier les blessures accidentelles des agressions volontaires ».
Les données compilées sur les blessures et les traumatismes subis par les individus dans cette région permettent de dresser un tableau de la violence comme phénomène endémique au sein de ces
communautés primitives.
La violence, dans ce contexte, ne se limite pas à des actes isolés, mais se déploie à l’échelle des groupes sociaux.
Parfois, elle atteint des niveaux extrêmes, avec des conflits intergroupes pouvant mener à la destruction complète de communautés entières.
Ces conflits ont fréquemment été liés à des luttes pour les ressources en particulier les terres arables, qui devenaient un enjeu stratégique majeur à mesure que les populations sédentaires
croissaient et que les espaces cultivables se faisaient plus rares.
Ces tensions sont aussi exacerbées par les différences entre les communautés agricoles établies et celles en expansion ou nomades, qui revendiquaient souvent les mêmes territoires.
L'analyse des traumatismes infligés et de leurs cicatrices révèle que, dans de nombreux cas, les blessures étaient non seulement infligées durant des conflits directs, mais aussi au cours de
confrontations prolongées qui découlaient de l’intensification de la concurrence pour les ressources naturelles.
Ce phénomène de violence généralisée pourrait être lié à des changements dans les structures de pouvoir et d'organisation sociale, qui ont émergé avec la sédentarisation et l'instauration de
nouvelles formes de hiérarchies sociales, de propriété et de division du travail.
Bien que la quantification précise des traumatismes (en particulier la distinction entre ceux qui ont guéri et ceux qui sont restés ouverts) demeure un défi méthodologique, des tendances se
dégagent concernant la manière dont la violence a évolué et s’est institutionnalisée au fil du temps.
L’un des principaux moteurs de cette violence semble avoir été la compétition pour des terres cultivables et la gestion des ressources alimentaires, à une époque où les sociétés étaient en plein
processus de transition entre modes de vie semi-nomades et agricoles.
Cependant, pour mieux comprendre l'origine et les motivations de cette violence, une analyse plus approfondie des contextes sociaux et des pratiques culturelles des groupes néolithiques est
nécessaire.
Les études de terrain et la collecte de données contextuelles sur les environnements dans lesquels ces sociétés évoluaient permettent d’aller au-delà des seules observations des blessures
physiques.
Il est ainsi crucial de développer des approches qui incluent des considérations sur les structures politiques, les croyances religieuses et les dynamiques économiques, qui ont sans doute joué un
rôle important dans l’intensification de la violence à grande échelle.
L’étude des restes humains, dans cette optique, devient un outil non seulement pour retracer des évènements violents spécifiques, mais aussi pour saisir les processus sociaux et culturels qui ont
façonné la violence dans les sociétés du passé.
En conclusion, la recherche sur la violence dans les sociétés primitives dans l’Europe du Néolithique permet de mieux comprendre non seulement les modes de confrontation violente, mais aussi les
mécanismes sous-jacents à ces conflits.
Une étude approfondie de ces phénomènes contribuerait ainsi à éclairer des aspects fondamentaux de l’évolution sociale et culturelle des sociétés humaines, en montrant comment la violence, tout
en étant parfois liée à des causes immédiates comme les ressources naturelles, s’intégrait également dans des dynamiques sociales plus larges, influençant profondément les trajectoires
historiques des groupes concernés.
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Sources :
(1) Conflict, violence, and warfare among early farmers in Northwestern Europe. Linda Fibiger, Torbjörn Ahlström, Christian Meyer, Martin Smith
https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2209481119
(2) https://www.inrap.fr/focus-sur-la-bioarcheologie-16214
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Ost%C3%A9oarch%C3%A9ologie