11/10/2024
La riposte peut être justifiée par la légitime défense. Mais il existe une dissonance profonde entre la réalité des agressions et la justice rendue.
C'est à la personne qui invoque la légitime défense de prouver qu'elle se trouvait dans cette situation.
La charge de la preuve incombe donc à l'accusé qui se prévaut du moyen de se défendre.
Lorsqu’il y a procès et qu’une personne invoque avec vraisemblance la légitime défense, c’est au parquet à éventuellement prouver que ce n’est pas le cas.
C’est ensuite au juge du tribunal correctionnel ou à la cour d’assises à en juger et à trancher après analyse du dossier.
En France, la formation des juges ne les prépare pas suffisamment à comprendre la réalité des agressions violentes. Ce manque d’expérience concrète est particulièrement problématique lorsqu’il s’agit de juger des cas de légitime défense lors desquelles la personne va riposter par peur.
Le concept de légitime défense, en tant que notion juridique, est souvent appliqué sans une évaluation contextuelle adéquate des événements, ce qui est accentué par les moyens limités mis à la disposition des juges et la surcharge de travail qu'ils subissent.
Cela creuse un fossé entre la théorie et la pratique de la légitime défense.
La formation initiale des magistrats à l’École Nationale de la Magistrature comprend divers stages, notamment dans les services d’enquête et les institutions pénitentiaires, mais aucun d’eux ne semble aborder la réalité concrète de la violence physique lors d’une agression ni même savoir se que représente de riposter.
Cette lacune se prolonge dans la formation continue, où les magistrats peuvent choisir parmi 500 modules de formation continue, allant du contentieux de la construction à la lutte contre les violences conjugales, mais sans véritable immersion dans la violence réelle.
Historiquement, la légitime défense a toujours été perçue comme une forme de justice privée, ce qui a conduit à sa condamnation au Moyen Âge lorsque le pouvoir d’alors a décidé que ces actes relevaient de la justice privée.
Cela a conduit à la création d’un État fort et à une justice publique, transformant les actes de légitime défense en « crimes excusés ».
Aujourd'hui, la légitime défense repose sur l’interprétation de deux articles de loi, rendant son application complexe et souvent contestée.
En théorie, la légitime défense est censée être un droit à l’autoconservation, mais en pratique, elle est souvent refusée aux citoyens ordinaires.
Contrairement au discours traditionnel selon lequel la légitime défense protège les plus faibles, une analyse plus approfondie montre que ce sont souvent les dominants qui bénéficient de ce droit.
Les institutions semblent vouloir conserver le monopole de la « violence légitime » pour maintenir l’ordre public, résistant à toute réforme juridique.
Maurice Rajsfus, par l’intermédiaire de son Observatoire des libertés publiques, a estimé qu'entre 10 et 15 personnes par an sont tuées suite à des interventions des forces de l’ordre.
Sur plusieurs décennies, cela représenterait entre 500 et 1 000 personnes mortes directement ou indirectement lors de ces interventions.
Les profils des victimes sont souvent des jeunes issus de quartiers populaires, majoritairement d'origine africaine ou maghrébine.
Les modes d’intervention ont également évolué : dans les années 1970-1980, les décès étaient souvent causés par des balles ou lors de courses-poursuites. Plus récemment, des cas d’asphyxie posturale ou de « pliage » ont été recensés.
Les statistiques judiciaires révèlent qu’environ 95 % des cas aboutissent à des classements sans suite ou à des non-lieux, ce qui soulève des questions sur la manière dont la légitime défense est appliquée.
Cela laisse à penser que les institutions souhaitent maintenir à tout prix leur monopole sur la « violence légitime », une forme de pouvoir hérité du Moyen Âge, sous prétexte de maintenir l’ordre public.
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- Maîtresse de conférences HDR (habilitation à diriger des recherches) à l'université Paris 8. Historienne et politiste, Vanessa Codaccioni est spécialiste de la répression politique.
« La légitime défense. Homicides sécuritaires, crimes racistes et violences policières. » CNRS Éditions
https://expertes.fr/expertes/68141-vanessa-codaccioni
https://www.cnrseditions.fr/auteur/vanessa-codaccioni/
- Maurice Rajsfus
http://quefaitlapolice.samizdat.net/
- Formation initiale
https://devenirmagistrat.enm.justice.fr/toutes-les-actualites-formation-initiale
https://books.openedition.org/putc/550?lang=fr