11/03/2025

Comment pensent les criminels ?

Comment pensent les criminels ?

La compréhension des schémas de pensée des criminels représente un domaine d'étude fondamental tant pour la prévention du crime que pour l'élaboration de stratégies efficaces de réhabilitation.

Les processus cognitifs qui sous-tendent les comportements criminels sont complexes et multidimensionnels, faisant intervenir des distorsions cognitives spécifiques, des styles de rationalisation particuliers, et des cadres mentaux qui facilitent le passage à l'acte délictueux.

Les recherches actuelles démontrent que les criminels ne constituent pas un groupe homogène dans leur façon de penser, mais qu'ils partagent néanmoins certains schémas cognitifs communs qui peuvent être identifiés, évalués et potentiellement modifiés.

L'orientation vers le pouvoir et le contrôle

Un thème récurrent dans la cognition criminelle concerne l'orientation vers le pouvoir :

  • Une aspiration profonde a contrôlé l'environnement et les autres individus.

Les délinquants présentant une forte orientation vers le pouvoir cherchent activement à dominer les situations et les personnes qui les entourent, percevant souvent le crime comme un moyen d'affirmer ce contrôle (6,9).

Cette dynamique psychologique s'inscrit dans une vision du monde où la valeur personnelle se mesure à l'aune de la capacité à influencer et à manipuler son environnement.

Cette orientation vers le pouvoir s'accompagne fréquemment d'un sentiment de droit, d'une conviction profonde d'être autorisé à transgresser les normes sociales et légales pour atteindre ses objectifs.

Comme le souligne une étude approfondie, certains criminels développent des processus cognitifs spécifiques visant à contrôler leur environnement, élaborent des justifications sophistiquées pour dissimuler leurs véritables motivations, se considèrent au-dessus des lois communes, et démontrent une absence remarquable de préoccupation pour autrui (6).

Cette constellation de caractéristiques cognitives contribue significativement à la persistance des comportements antisociaux.

La théorie des mentalités et son impact

La théorie des mentalités développée par Carol Dweck distingue deux orientations fondamentales :

  • La mentalité fixe, qui considère les traits personnels comme immuables.
  • La mentalité de croissance, qui les perçoit comme malléables.

Cette distinction s'avère particulièrement pertinente dans le contexte de la justice pénale. Une étude significative a révélé que les personnes présentant des caractéristiques d'une mentalité de croissance associaient plus rapidement la notion de libération conditionnelle que celle d'emprisonnement, tandis qu'une corrélation positive entre les traits d'une mentalité fixe et une préférence pour l'emprisonnement a été constatée (1).

Dans le contexte spécifique de la justice des mineurs, des recherches complémentaires démontrent que les individus adoptant une mentalité de croissance tendent davantage à soutenir des approches de réhabilitations plutôt que punitives (2).

Le cadre de la dissuasion et la rationalité limitée

Le paradigme classique de la dissuasion repose sur l'hypothèse que les criminels agissent selon une logique rationnelle, évaluant les coûts et bénéfices potentiels de leurs actions avant de passer à l'acte (3).

Des analyses économiques des décisions prises par les criminels avant, pendant et après la commission d'un délit suggèrent effectivement que de nombreux criminels planifient leurs actions de manière systématique et économiquement logique (4).

Ce modèle sous-entend que les délinquants effectuent un calcul coût-bénéfice, tenant compte du gain potentiel, de la probabilité d'être appréhendé, et de la sévérité des sanctions encourues.

Cependant, cette rationalité s'avère généralement limitée par divers facteurs cognitifs et situationnels.

Les criminels peuvent sous-estimer considérablement la probabilité d'être arrêtés ou surestimer les avantages potentiels du crime.

Leur processus décisionnel est souvent influencé par des biais cognitifs, l'impulsivité, et des facteurs contextuels qui altèrent leur évaluation objective des risques.

Cette conception nuancée de la rationalité criminelle remet en question l'efficacité des approches purement dissuasives basées uniquement sur la sévérité des sanctions, suggérant la nécessité d'interventions plus complexes ciblant les processus cognitifs sous-jacents (5).

Les distorsions cognitives et la rationalisation

Un mécanisme fondamental dans la pensée criminelle réside dans le développement de distorsions cognitives permettant de justifier ou rationaliser les comportements transgressifs.

Dans une étude portant sur la fraude universitaire, certains auteurs se sont convaincus que leurs actions frauduleuses étaient acceptables sous prétexte que « c'est ainsi que le système fonctionne » (8).

Ce processus de rationalisation du méfait représente un mécanisme cognitif essentiel qui permet aux individus de s'engager dans des activités criminelles tout en préservant une image de soi positive.

La « mollification », forme spécifique de rationalisation, se manifeste lorsque les criminels minimisent la gravité de leurs actions ou en rejettent la responsabilité sur autrui ou sur des circonstances extérieures (9).

Ce processus mental permet de réduire la dissonance cognitive entre le comportement délictueux et les valeurs morales personnelles, facilitant ainsi la persistance dans la voie criminelle.

Ces distorsions cognitives s'avèrent particulièrement résistantes au changement, car elles s'intègrent profondément dans le système de croyances de l'individu et servent de mécanisme protecteur pour l'estime de soi.

Styles et schémas de pensée criminelle

La recherche en criminologie cognitive distingue généralement deux grandes catégories de pensée criminelle :

  • proactive.
  • réactive.

La pensée proactive se caractérise par une approche calculée et instrumentale du crime, impliquant une planification délibérée et une évaluation des risques et bénéfices.

À l'opposé, la pensée réactive se manifeste de manière impulsive et émotionnelle, souvent déclenchée par des stimuli environnementaux ou des états émotionnels intenses (10).

Le sentiment de droit et la pensée égocentrique

Le sentiment de droit constitue un style de pensée criminelle particulièrement prévalent, caractérisé par la conviction profonde d'être spécial et de mériter des privilèges ou des exemptions aux règles qui régissent la vie en société.

Les délinquants présentant ce schéma cognitif se considèrent généralement comme affranchis des contraintes sociales et légales qui s'appliquent au reste de la population (6,9).

Cette perception déformée de leur statut spécial crée un terreau fertile pour la justification des actes transgressifs.

Cette pensée fondamentalement égocentrique contribue à l'élaboration d'une vision du monde où les besoins et désirs personnels priment sur toute autre considération, légitimant ainsi des actions préjudiciables à autrui.

Le sentiment de droit figure parmi les facteurs clés mesurés par la Mesure d'Attitude Criminelle (CAM), aux côtés d'autres dimensions comme l'orientation vers le pouvoir, la mollification, la méfiance envers les autorités et l'orientation à court terme (9).

L'identification de ce schéma de pensée s'avère cruciale pour élaborer des interventions thérapeutiques efficaces visant à promouvoir une perspective plus prosociale.

Les mécanismes de rationalisation et de justification

Les criminels développent fréquemment des mécanismes cognitifs élaborés pour justifier leurs actes délictueux.

Ces stratégies de rationalisation leur permettent de maintenir une image de soi relativement positive malgré leur engagement dans des comportements socialement réprouvés (8,11).

La sophistication de ces mécanismes de défense cognitive témoigne de la complexité des processus mentaux impliqués dans la pensée criminelle.

L'orientation à court terme et l'impulsivité

L'orientation à court terme représente une caractéristique fondamentale de la pensée criminelle, se manifestant par une focalisation excessive sur les gratifications immédiates au détriment des conséquences à long terme (9).

Cette perspective temporelle restreinte s'associe fréquemment à l'impulsivité, qui joue un rôle médiateur déterminant dans la relation entre la psychopathie et divers styles de pensée criminelle (6).

Cette combinaison crée un terrain propice aux prises de décision problématiques et au passage à l'acte délictueux.

Les délinquants présentant une forte orientation à court terme éprouvent généralement des difficultés significatives à différer la gratification et à anticiper pleinement les répercussions futures de leurs actions.

Cette tendance se trouve amplifiée par l'impulsivité, qui diminue considérablement la capacité à inhiber les réponses immédiates face aux stimuli tentants ou provocateurs.

La compréhension des mécanismes cognitifs qui sous-tendent le comportement criminel représente un enjeu fondamental pour l'élaboration de stratégies efficaces de prévention, d'intervention judiciaire et de réhabilitation.

Les recherches contemporaines sur la pensée criminelle ont permis d'identifier plusieurs styles et schémas cognitifs caractéristiques :

  • L'orientation vers le pouvoir.
  • Le sentiment de droit.
  • Les mécanismes de rationalisation.
  • L'orientation à court terme.

Ces patterns de pensée sont influencés par divers facteur prioritaire dans les programmes de réhabilitation.

Conclusion

La compréhension des mécanismes cognitifs qui sous-tendent le comportement criminel représente un enjeu fondamental pour l'élaboration de stratégies efficaces de prévention, d'intervention judiciaire et de réhabilitation.


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