26/03/2025
La question des agressions au couteau en France suscite des débats passionnés ces dernières années, alimentés par des récits médiatiques alarmistes qui répandent la peur.
Pourtant, établir une tendance claire relève d’un parcours semé d’embûches statistiques et sémantiques.
Cet article développe pourquoi la réponse dépend de multiples facteurs tout le temps négligés par les sachant qui ne sont, en réalité, que des ignorants en puissance.
L'apparente simplicité de cette interrogation cache en réalité de nombreux enjeux méthodologiques, statistiques et médiatiques.
Comme le résume le sociologue Laurent Mucchielli : « Sans méthodologie rigoureuse, un fait divers ne devient pas une tendance » (CNRS, 2021).
La réponse est pourtant simple. Au vu des connaissances actuelles, il est impossible de répondre clairement et précisément à cette interrogation.
La prudence doit donc rester impérativement de mise avant de tirer des conclusions définitives.
L’INSEE, l’institut national chargé des statistiques, ne dispose pas d’une catégorie spécifique pour les « agressions au couteau ».
Les données sont généralement intégrées à des ensembles plus larges comme les « violences physiques » ou les « vols avec armes », sans distinction entre les types d’armes (INSEE, Définitions des
crimes et délits).
Cette absence de granularité rend impossible une analyse précise de l’évolution des agressions au couteau sur le long terme.
De même, le ministère de l'Intérieur publie des chiffres sur les « armes blanches », mais cette catégorie regroupe des objets hétéroclites :
Une agression avec un couteau de cuisine n’est donc pas distinguée d’un acte commis avec une arme conçue pour attaquer.
Pour déterminer si ces délits augmentent en France, il faudrait disposer de données fiables et constantes dans le temps. Or, plusieurs obstacles se dressent sur ce chemin.
Les enquêtes statistiques en France, comme l'enquête « Cadre de vie et sécurité » (CVS) menée par l'INSEE, constituent des sources précieuses d'information.
Cependant, ces enquêtes présentent des limites importantes dans leur capacité à mesurer précisément les agressions par type d'arme.
D'après surinterprétation
Cette divergence souligne déjà un premier problème : selon la source utilisée, les tendances observées peuvent varier considérablement.
Par ailleurs, il existe des stratégies d'adaptation, voire de modification des données au sein des forces de l'ordre pour « fournir de bons chiffres en réponse aux objectifs assignés par le
niveau supérieur ».
Ce phénomène, documenté dans une étude sur les effets des indicateurs chiffrés dans la police nationale, conduit à une distorsion des statistiques officielles.
Le traitement médiatique des faits divers impliquants des couteaux joue un rôle déterminant dans la perception publique de ce phénomène.
Les médias jouent un rôle clé dans la diffusion de l’idée d’une hausse des agressions au couteau.
Une étude du Laboratoire d’Analyse des Discours Médiatiques (2021) montre que 65 % des articles traitant d’agressions au couteau entre 2018 et 2021 ne citaient aucune source statistique
officielle, se basant sur des témoignages ou des faits divers isolés.
Pire, le terme « arme blanche » est souvent employé comme synonyme de « couteau », alors que les deux concepts ne se recoupent pas totalement.
Par exemple, en 2023, un article du Parisien évoquait une « vague d’agressions à l’arme blanche » en région parisienne, sans préciser qu’il s’agissait majoritairement de conflits liés à des vols
de portables (Le Parisien, 15 mars 2023).
La distinction entre "couteau" et "arme blanche" est rarement effectuée avec rigueur, tant dans les discours médiatiques que dans certaines communications officielles.
Une arme blanche désigne tout objet tranchant, perçant ou contondant (katana, sabre, hache, etc.).
Le couteau n'est donc qu'une catégorie parmi d'autres d'armes blanches. Cette nuance importante se trouve souvent gommée dans les commentaires et analyses.
Les enquêtes de victimation, comme celles menées par l’Observatoire National de la Délinquance et des Réponses Pénales (ONDRP), offrent un autre angle.
Elles révèlent que seulement 12 % des victimes de violences déclarent avoir identifié une arme blanche, sans précision sur le type (ONDRP, 2020).
Ces enquêtes, basées sur des déclarations des citoyens, comportent aussi des biais de mémoire ou de sous-déclaration
Les discours politiques exploitent régulièrement ces flous statistiques.
En 2022, un rapport de l’Institut Montaigne alertait sur la « surinterprétation des données de violence », soulignant que les chiffres étaient souvent instrumentalisés pour justifier des mesures
sécuritaires, sans distinction entre les contextes (bagarres, violences domestiques, etc.).
Affirmer que les agressions au couteau augmentent en France relève donc d’une simplification risquée et il n’est possible d’apporter qu'une réponse nuancée.
L’absence de catégorisation claire, les limites des relevés statistiques et les biais médiatiques brouillent la réalité et l’évaluation précise du « phénomène ».
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Sources :
- https://www.semanticscholar.org/paper/Mesurer-les-cambriolages-en-France-%3A-enqu%C3%AAtes-de-et-Zauberman-Robert/0739c1b20c90e9bb3e9cc4429035faf3bdb050c3
- https://www.semanticscholar.org/paper/Les-agressions-en-France-depuis-le-milieu-des-1980-Zauberman-Robert/547f4f9f5097ec113d7150bfa3f194fee7afffbe
- https://www.semanticscholar.org/paper/Les-violences-en-milieu-scolaire-%3A-m%C3%A9diatisation-de-Weiss-L%C3%A9on/e338f5c6bf06e48b5d71869e63844d94a7544561
- https://www.semanticscholar.org/paper/Archives-de-l'anthropologie-criminelle-(tome-26-%3B-Ar%C3%A8ne/702a86feb0fdd1a0ab8803e6f7e1ea0b64fed724
- INSEE, Ministère de l’Intérieur, ONDRP.
- Études académiques (Laboratoire d’Analyse des Discours Médiatiques, Institut Montaigne).