25/07/2023
Ce phénomène n'a aucune réalité si ce n'est d'être qu'une manifestation troublante et inquiétante de la violence médiatique contemporaine hexagonale et n'est pas une réalité sociologique.
Cette brève n’a pour unique objet que d’examiner en profondeur cette réalité sociologique sombre et complexe de ce biais journalistique.
Les causes profondes, les conséquences dévastatrices, les implications sociales et psychologiques liées à ce comportement violent sont indéniables. Sauf qu’encore une fois, la réalité est ailleurs. Avant tout, il faut au préalable, obligatoirement déconstruire le narratif des médias de masse.
Dans notre société, soi-disant pacifiée, des événements tragiques se produisent parfois sans raison apparente. À l’identique du « comportement de violence gratuite », qui ne veut rien dire, l’explication sommaire qui consisterait à affirmer que l’agression au couteau a eu lieu pour un simple regard est erroné.
Poignardé, quelqu’un pour un simple regard n’est d’une part qu’un des multiples motifs d’agression quotidien. D’autre part, le mot « simple » est déplacé, outrancier face à la peine de la famille et n’a absolument pas sa place dans une explication éthologique et sociologique sérieuse.
Les agressions au couteau commises avec pour unique motif un simple regard sont parmi les plus déconcertantes uniquement par leurs côtés disproportionnés. Ces violences, qui paraissent inexplicables, brisent les familles des victimes et soulèvent des questions essentielles sur les problèmes profonds auxquels notre société devrait hypothétiquement faire face.
Le regard a toujours été un moyen essentiel de communication chez les êtres humains. Depuis des temps immémoriaux, le regard permet de transmettre des émotions, des intentions ou des avertissements silencieux. Inclus dans la communication non-verbale, il est un outil puissant non-négligeable.
Un regard peut être perçu dissemblablement d’un pays ou d’une culture à un autre. En Occident, le regard franc est par exemple associé à la franchise, alors que sur le continent asiatique, il est considéré comme un manque de respect.
Cependant, un regard franc avec insistance peut tout aussi bien être sujet à des interprétations erronées, conduisant à des malentendus, des conflits et, dans certains cas extrêmes et à des actes conduisant à la mort dans toutes les cultures. Ce développement n’excuse bien évidemment rien, mais tente uniquement d’expliquer que cela peut s’avérer être l’élément déclencheur.
La perception déformée de la réalité, les troubles de l'humeur et les problèmes de gestion de la colère peuvent tous contribuer à ce comportement violent. Lorsque les émotions sont mal gérées, un simple regard peut être interprété comme une menace existentielle.
L’importance du poids des émotions refoulées est trop souvent négligée notre société détraquée, car impalpable. Les agressions pour un simple regard, de la plus anodine à la plus grave, mettent souvent en évidence le poids des émotions refoulées chez les auteurs de ces actes tragiques.
Ces émotions, telles que la colère, la frustration, le ressentiment ou la jalousie, peuvent s’amonceler au fil du temps et finir par exploser en réponse à un événement banal, comme un regard insistant perçu comme provocateur. Les auteurs des faits, incapables de gérer ces pulsions négatives, peuvent réagir de manière disproportionnée, entraînant des conséquences irréversibles et gravissimes.
Les facteurs environnementaux jouent également un rôle décisif dans ces circonstances tragiques. Un contexte de violence intrafamilial ou dans la communauté peut normaliser, voir banaliser la violence et rendre certains individus plus enclins à répondre à des situations apparemment mineures par le biais de la violence.
Même si ce phénomène est toujours en débat, il pourrait sembler probable que l'exposition répétée à des images de violence dans les médias et la culture populaire peut influencer la perception de certaines personnes quant à la résolution des conflits.
Un autre aspect non-négligeable qui entre en considération est la culture de la masculinité toxique, où l'expression de la violence est parfois perçue comme un signe de virilité et de force. Propre à l’histoire et à la culture humaine, certains hommes, sous la pression sociale, réagissent violemment pour préserver leur image de « vrai homme » ou pour démontrer leur supériorité perçue.
Dans certains cas de figure, les agressions ayant pour déclencheur un simple regard peuvent être le résultat d'une impulsivité incontrôlable chez l'auteur des faits. Des facteurs endogènes tels que des problèmes de santé, psychologique ou psychiatriques (diagnostiqués ou non) peuvent conduire à des réactions spontanées et violentes, même pour des raisons apparemment dérisoires vues de l’extérieur.
Au vu de l’ampleur, la problématique psychiatrique est un enjeu de santé publique majeur en France. Cela inclut l'accès à des services de santé mentale, des programmes de prévention de la violence et des ressources pour les familles en difficulté. « Les maladies psychiatriques coûtent plus de 100 milliards d’euros par an. Pourtant, seuls 4% du budget national de la recherche y est dédié. » (1)
L'analyse approfondie d'une violence irrationnelle journalistique n'est plus à faire. En 1989 le journaliste Eric Pooley invente l’expression « Le sang fait la une » (2), en référence à la pression que subissent les organes de presse pour présenter des histoires violentes et sensationnalistes au nom des cotes d’écoute.
Bien qu’il soit possible d’affirmer que ce n’est que partiellement vrai pour les médias en général, la pression pour les chaînes de télévision d’information en continu, dans lequel les nouvelles sont constamment de dernière minutes et les producteurs ont moins de temps pour juger si certaines images sont appropriées ou non, signifie qu’il existe une pression importante pour diffuser en boucle tout ce qui pourrait être une « exclusivité ».
L'influence de la violence dans les médias sur les opinions, les comportements et le passage à l'acte est très difficilement démontrable, car multifactorielle (3). Certaines études ont monté que l’exposition à la violence dans les médias peuvent amener les adolescents à se sentir moins concernés par les personnes en détresse (4) ou victimes d’un crime (5), bien que d’autres chercheurs aient constaté que la violence dans les médias ne réduit pas l’empathie (6).
De ce fait, dans le doute, pourquoi ne pas appliquer le principe de précaution ?
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Sources :
(2) Pooley E. (1989) « Grins, Gore, and Videotape: The Trouble with Local TV News. » New York.
(3) Que savons-nous à propos de la violence dans les médias ?
https://habilomedias.ca/violence/que-savons-nous-propos-violence-m%C3%A9dias
(4) Vossen, H. G., Piotrowski, J. T., & Valkenburg, P. M. (2017). The longitudinal relationship between media violence and empathy: Was it sympathy all along?. Media Psychology, 20(2), 175-193.
(5) McLean, L. & Griffiths, M.D. (2013). Violent video games and attitudes towards victims of crime: An empirical study among youth. International Journal of Cyber Behavior, Psychology and Learning,2(3), 1-16
(6) Ramos, R. A., Ferguson, C. J., Frailing, K., & Romero-Ramirez, M. (2013). Comfortably numb or just yet another movie? Media violence exposure does not reduce viewer empathy for victims of real violence among primarily Hispanic viewers. Psychology of Popular Media Culture, 2(1), 2–10. https://doi.org/10.1037/a0030119