18/06/2023

Peut-on survivre à une attaque au couteau mortelle ?

Lorsqu’il s’agit de répondre à la possibilité de survivre à une attaque au couteau mortelle, il faut indubitablement se tourner vers la recherche scientifique et la médecine légale. Ces études sont l’unique retour d’expérience du monde réel.

 

« Entre éthique et science, il y a des parentés de démarche. La science, c’est se donner les moyens d’approcher la vérité. L’éthique, c’est se donner les moyens d’approcher l’agir juste. » (1)

 

Les attaques au couteau mortelles étant une problématique criminelle endémique et perpétuelle dans tous les pays, il est nécessaire d’arrêter de chercher des réponses dans le mercantilisme de la self-défense, qui consiste à l’achat d’un DVD inutile.

 

La peur, phénomène éthologique est liée à l’instinct de conservation par les comportements de préservation qu’elle génère. La « culture de la peur » (Glassner, 2000), elle, fait vendre sans procurer la moindre solution.

 

À l’identique des accidents de la route, des accidents de travail (deux morts par jour en France) (2)... Il est possible de survivre à une attaque au couteau. La chose étant dite, il est nécessaire de comprendre comment cela est possible et quels sont les variables qui influent sur cette survie.

 

Entre février 1992 et décembre 1996, 120 personnes sont mortes ou ont été hospitalisées à Édimbourg (Écosse.) après avoir subit une attaque avec un couteau. Une comparaison des blessures mortelles et non mortelles au couteau à Édimbourg (3) a été effectuée.

Comparaison des survivants et non-survivants à une attaque au couteau

Vingt personnes (17 %) sont décédées des suites de leurs blessures. La comparaison des survivants avec les non-survivants a révélé que les deux groupes avaient des répartitions d'âge et de sexe similaires, mais ceux qui sont décédés avaient des blessures beaucoup plus graves lorsqu'ils étaient notés selon l'échelle abrégée des blessures.

 

Huit personnes sont mortes de blessures à la poitrine insurmontables sur les lieux de l'attaque au couteau et parmi les autres, seules cinq ont réussi à atteindre l'hôpital avec des signes de vie.

 

L'analyse du traitement hospitalier à l'aide de la méthodologie TRISS (Trauma and Injury Severity Score) (4) a révélé qu'il y avait deux survivants inattendus et aucun décès inattendu.

 

Le risque de décès semble dépendre principalement du type de blessures subies et aussi, dans une moindre mesure, d'autres facteurs tels que la consommation d'alcool et la présence d'un passant capable et désireux de demander une assistance médicale d'urgence.

Améliorer le traitement hospitalier des personnes agressées au couteau ?

Il ne semble pas y avoir beaucoup de potentiel possible pour sauver des vies en améliorant le traitement hospitalier des personnes agressées avec un couteau dans l’hôpital d’Édimbourg.

 

Au lieu de cela, une plus grande attention devrait être accordée au transfert rapide à l'hôpital et à la restriction de la possession et de l'utilisation des couteaux.

L'usage des couteaux et des autres instruments tranchants

Le taux d'homicides en Écosse (et dans le reste du Royaume-Uni) reste relativement faible par rapport aux États-Unis (3). Aux États-Unis, l'utilisation d'armes à feu est responsable de la plupart des homicides (3).

 

En revanche, en Écosse, l'usage des armes à feu n'est responsable que d'une faible proportion des homicides (9 sur 111 : (8 %) en 1994), tandis que l'usage des couteaux et autres instruments tranchants en représente une grande proportion (58 sur 111 : (52 %) en 1994).

 

Afin d'examiner les risques relatifs de décès après une attaque au couteau et de rechercher pourquoi certains patients meurent tandis que d'autres survivent, il est nécessaire d'étudier une population complète (comprenant à la fois les décès et les survivants).

 

Les blessures par l’intermédiaire d’objet tranchant peuvent être classées par les personnes formées en médecine légale en fonction de la longueur relative de la plaie par rapport à sa profondeur (blessures par « coup de couteau » et blessures par « entaille » ).

 

Cependant, dans cette étude, de nombreuses blessures ont été évaluées par des médecins hospitaliers sans expertise médico-légale particulière, c'est pourquoi toutes les blessures sont simplement appelées « blessures par arme blanche ».

 

Toutes les personnes qui ont été admises à l'hôpital ou qui sont décédées avant d'arriver à l'hôpital après avoir été agressées avec un instrument tranchant dans la ville d'Édimbourg et ses banlieues associées (une population approximative de 500 000 personnes) pendant la période de février 1992 à décembre 1996 ont été identifiées et étudiées à l'aide de dossiers de médecine légale du groupe d'audit de médecine et de traumatologie écossais.

 

Seules les blessures qui semblaient résulter d'agressions ont été étudiées : les traumatismes auto-infligés n'ont pas été inclus dans la recherche.

Coup de couteau mortel : résultats

Au cours de la période d'étude, il y a eu 20 décès (17 hommes, 3 femmes) à la suite d'agressions à l'arme blanche. 100 autres personnes (96 hommes, 4 femmes) ont survécu à des coups de couteau après avoir été hospitalisées. Dans la plupart des cas, bien que les armes aient été décrites par les blessés comme étant des couteaux, ces armes n'ont jamais été récupérées et comparées aux blessures.

 

De plus, dans certains cas, la victime n'a pas vu l'arme. Il est donc possible qu'une partie des blessures soit attribuées à l’utilisation de couteaux, mais que cela ne soit pas le cas.

 

Beaucoup plus d'hommes ont été poignardés que de femmes au cours de la période d'étude. De ce fait, conformément à cette prédominance masculine, la grande majorité des personnes décédées étaient des hommes.

 

De même, la majorité des victimes de coups de couteau avaient entre 15 et 34 ans. Ces résultats sont cohérents avec des données provenant d'autres pays (Homicide par force vive au Danemark 1992-2016). 

L'alcool, facteur de risque aggravant

Beaucoup de ceux qui sont morts après avoir été poignardés avaient de l'alcool dans leur circulation sanguine, leur urine au moment du décès. Ce qui doit être bien évidemment considéré comme l’un des plus importants facteurs de risque.


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Sources :

 

(1) Le mouvement éthique dans les sciences

https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2007-2-page-405.htm

(2) "Il y a deux morts par jour au travail" : des familles de victimes demandent "plus de prévention" et "plus de répression"

https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/sante-au-travail/temoignage-il-y-a-deux-morts-par-jour-au-travail-des-familles-de-victimes-manifestent-samedi-pour-plus-de-prevention-et-plus-de-repression_5690957.html

Accidents du travail mortels : quels sont les profils et les secteurs les plus concernés ?

https://www.lefigaro.fr/actualite-france/accidents-du-travail-mortels-quels-sont-les-profils-et-les-secteurs-les-plus-concernes-20230304

(3) A comparison of fatal with non-fatal knife injuries in Edinburgh

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0379073898001893

(4) La méthodologie TRISS (Trauma and Injury Severity Score) est utilisée dans les registres des traumatismes militaires britanniques et américains. La méthode repose sur la division des victimes selon le mécanisme, pénétrant ou contondant, et utilise différents coefficients de pondération en conséquence.

https://academic.oup.com/milmed/article/183/9-10/e442/4819215?login=false