22/03/2025
La question de l'efficacité des sanctions judiciaires sévères dans la réduction des crimes au couteau suscite encore de nombreux débats parmi les experts et les décideurs
politiques.
Si l’intuition suggère qu’une sanction plus dure dissuade les auteurs potentiels, la réalité de faits est beaucoup plus nuancée et dépend de plusieurs facteurs clé, comme le montrent des études
académiques récentes.
Des recherches montrent que les politiques centrées sur les sanctions sans accompagnement éducatif ou professionnel ont des effets limités sur la récidive.
A titre d’exemple, une étude de 2022 (1) relève que les programmes de réadaptation, combinés à des sanctions proportionnées, obtiennent de meilleurs résultats que les peines strictes,
seules.
Les promoteurs des politiques pénales sécuritaires suggèrent qu'une punition plus sévère pourrait décourager les délinquants potentiels, mais les études empiriques montrent des résultats
contraires sur la baisse des crimes au couteau.
La question n'est donc pas simplement de savoir si des sanctions plus sévères réduisent les crimes au couteau, mais plutôt comment divers types d'interventions, dont les sanctions judiciaires,
peuvent s'intégrer dans une stratégie globale et efficace de prévention de la violence.
Les décideurs politiques gagneraient à adopter cette vision nuancée et multidimensionnelle plutôt que de s'appuyer uniquement sur la répression législative comme solution miracle à ce problème
complexe de société (2).
La théorie de la dissuasion, qui sous-tend l'idée que des sanctions plus sévères réduiraient la violence, repose sur la notion que les criminels potentiels font un calcul rationnel avant de
passer à l'acte.
Selon cette approche, une personne évaluerait les risques (la probabilité d'être appréhendée et la sévérité de la peine) par rapport aux bénéfices potentiels de l'acte criminel.
Cette approche est critiquée, car elle présuppose que les criminels agissent toujours de manière rationnelle.
Or, les crimes violents, notamment les agressions au couteau, peuvent souvent être impulsifs ou
commis sous l'effet d'émotions intenses ou de substances, réduisant considérablement la capacité de réflexion rationnelle au moment de l'acte.
Les recherches internationales montrent depuis des années des résultats contrastés concernant l'efficacité des sanctions sévères dans la réduction de la criminalité violente.
Pourtant, une analyse comparative des sanctions pénales dans différents pays montre que le Code pénal français prescrit des peines plus lourdes pour le meurtre comparativement à la Fédération de
Russie et d'autres législations (3).
Cette étude suggère également d'inclure la resocialisation comme objectif de la peine afin de prévenir la récidive, mettant en évidence que la sévérité seule n'est pas suffisante sans objectif de
réhabilitation.
Contrairement aux idées reçues, l'opinion publique n'est pas toujours en faveur de sanctions extrêmement sévères. Des données collectées aux États-Unis entre 1965 et 1993 concernant la perception
sociale du crime montrent que l'opinion publique fait preuve de nuance dans ses appréciations face à certains délits.
Le public semble ainsi relativement conscient des risques réels d'être victime d'une agression, suggérant que les appels populaires à des sanctions plus sévères ne sont pas nécessairement fondés
sur une évaluation objective des menaces.
L'impact des sanctions judiciaires sur les crimes au couteau dépend de nombreux facteurs qui
vont bien au-delà de la simple sévérité des peines.
Les recherches criminologiques suggèrent que la certitude de la sanction (la probabilité d'être arrêté et condamné) a souvent un effet dissuasif plus important que la sévérité de la peine
elle-même.
Un système judiciaire qui garantit une réponse rapide et systématique, même avec des sanctions modérées, pourrait être plus efficace qu'un système appliquant des peines très sévères de manière
aléatoire ou imprévisible.
Une recherche sur l'évolution du traitement des affaires pénales en France et en Belgique souligne l'importance du rapprochement temporel entre l'infraction et la sanction pour une efficacité
optimale de la réponse pénale (4).
Cette analyse comparative montre que les deux pays tendent vers une accélération du traitement des affaires, mais avec des modalités différentes.
Les conditions socio-économiques, l'accès à l'éducation, l'emploi et les inégalités sociales jouent un rôle crucial dans les taux de délinquance, indépendamment de la sévérité des
sanctions.
Les études historiques montrent que les approches purement répressives, sans prise en compte des facteurs sociaux, ont une efficacité limitée.
Une analyse de l'évolution du système de sanctions pénales dans les pays européens met en évidence deux tendances contradictoires : d'une part, la volonté de limiter les peines d'emprisonnement
ferme et d'introduire des alternatives, et d'autre part, un appel à des sanctions criminelles plus sévères
Cette tension reflète la complexité du débat sur l'efficacité des sanctions et la nécessité d'une approche équilibrée.
Au-delà de la simple augmentation de la sévérité des sanctions, d'autres approches peuvent contribuer efficacement à la réduction des crimes au couteau :
Historiquement, l'éducation a toujours été considérée comme un moyen essentiel de prévention du crime.
Cette approche préventive, en totale détérioration aujourd'hui, reste fondamentale pour réduire la violence.
Les sanctions pécuniaires, les peines avec sursis et les travaux d'intérêt général sont les types de sanctions les mieux approuvés dans des pays comme l'Allemagne et la Finlande.
Ces alternatives à l'emprisonnement ferme peuvent être beaucoup plus efficaces pour certains types de délinquants, en évitant les effets négatifs de l'incarcération tout en maintenant une
dimension punitive et de réhabilitation.
Les recherches indiquent que les demandes d'une répression pénale plus intense devraient être considérées uniquement pour un petit groupe des crimes les plus graves.
Cette approche différenciée permettrait de concentrer les ressources judiciaires sur les infractions les plus dangereuses pour la société, tout en privilégiant des mesures alternatives pour les
délits moins graves.
L'analyse des recherches disponibles suggère que la relation entre la sévérité des sanctions judiciaires et la réduction des crimes au couteau est complexe et multifactorielle.
Si les théories de la dissuasion suggèrent qu'une augmentation de la sévérité des peines pourrait dissuader certains criminels potentiels, les preuves empiriques sont mitigées et indiquent
l'incidence de nombreux autres facteurs.
Comme le souligne une analyse académique, l’« efficacité » d’une sanction ne se mesure pas seulement en termes de réduction immédiate des crimes, mais aussi de son impact moral et symbolique sur
la société.
Une approche équilibrée, associant dissuasion, prévention et réhabilitation, semble donc plus prometteuse qu’une simple hausse des peines (5).
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Sources :
(1) https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/pnshnt-rcdvsm/index-fr.aspx
(2) https://shs.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2014-1-page-44?lang=fr
(3) https://www.semanticscholar.org/paper/Sanctions-and-Punishments-for-Crimes-against-the-in-Muljukov/4c49b56865560864a35781e41b2f6bc1f961013c
(4) https://www.semanticscholar.org/paper/Vitesse-ou-pr%C3%A9cipitation-La-question-du-temps-dans-Bastard-Delvaux/d8c631176fb6562b726ead526ca8ecb78870e920
(5) https://droit.cairn.info/droit-de-la-peine--9782130516576-page-453?lang=fr