20/10/2024

Le phénomène à la machette Kuluna arrivera-t-il en France ?

Le phénomène à la machette Kuluna arrivera-t-il en France ?

La violence au couteau, à la machette ou à l'arme blanche surgit sur le long terme lors des crises économiques. Donc, pourquoi la France serait épargnée.

Les Kuluna sont apparus comme un phénomène social vers l’an 2000, dans un contexte d’effondrement de l’État et de l’ordre public en République démocratique du Congo.

 

Les machettes, sont des outils agricoles communs qui se trouvent dans beaucoup de foyers. Elles ont été utilisées au Rwanda comme objet de terreur durant le génocide en 1994. 

 

Pendant cette période où régnaient la guerre civile, ils sévissaient dans les rues des quartiers les plus pauvres de Kinshasa.

Les gangs à la machette baptisés les kuluna, dont certains ont été utilisés par des hommes politiques, existent à Kinshasa depuis plusieurs décennies au moins (1).

 

Dans les années 1970, il y avait les « bana mayi », et dans les années 1980 les « balado ». Les plus connus dans l’histoire récente étaient les « hiboux », qui opéraient dans les années 1990 durant les dernières années du règne du Président Mobutu entre 1965 et 1997.

 

Ils opéraient la nuit avec des véhicules, offerts par des membres du régime, et avaient pour ordre de tuer et d’intimider les opposants.

 

Lorsque Laurent Désiré Kabila a renversé Mobutu en 1997, les « pomba » sont apparus, composés de jeunes armés se livrant à des attaques à la machette criminelles, souvent avec l’encouragement des autorités qui les utilisaient pour leurs propres fins. Le terme Kuluna (2) vient du verbe kolona en lingala, qui signifie « planter », « cultiver ».

L'étymologie et la signification du terme Kuluna

Dérivé du mot français « colonisateur », ce terme a également pour origine le terme militaire « colonne », qui désigne une formation des troupes en ordre serré qui s’oppose à la ligne.

 

Employé pour la première fois dans les années 1990, pour désigner les jeunes issus de milieux urbains du sud-ouest de la RDC qui allaient illégalement en Angola par le nord à la recherche de diamants, ce terme est devenu un moyen générique de parler des criminels depuis 2002.

Une première étude sur les blessures par machette

Il est donc nécessaire de cerner la vraie identité de ces agresseurs, de connaître la nature des armes qu’ils utilisent, les types de lésions qu’ils provoquent, ainsi que leurs traitements.

 

Aucune étude sur les plaies de la main et de l’avant-bras causées par ce phénomène à la machette n’avait été réalisée jusqu'à présent en RDC.

 

Pour la première fois, les lésions de la main et de l’avant-bras provoquées par ce phénomène à Kinshasa a fait l’objet d’une étude.

 

L’objectif principal était de faire connaître ce phénomène sociétal et de décrire les lésions du membre supérieur occasionnées par les machettes, tout en insistant sur les spécificités de la prise en charge de ces lésions en milieu hospitalier.

 

Cette étude (3) rétrospective et descriptive porte sur 14 cas de plaies de la main et de l’avant-bras par arme blanche. Elle couvre une période allant du 1er novembre 2010 au 1er novembre 2013.

 

Parmi les 14 patients avec lésions à la main et à l’avant-bras, admis et traités à l’unité de chirurgie plastique reconstructive esthétique et chirurgie de la main des cliniques universitaires de Kinshasa, pour agressions dues au phénomène Kuluna, il y avait 11 hommes et 3 femmes.

 

L’âge moyen était de 33,5 ans (avec des extrêmes allant de 21 ans a 56 ans). Le membre supérieur droit était plus atteint que le membre supérieur gauche, respectivement 12 patients et 2 patients.

 

Les lésions sont localisées au poignet dans la majorité des cas (10 patients), à la paume de main chez 3 patients et au niveau des doigts chez 1 patient.

Qui sont les Kuluna ?

Concernant le phénomène à la machette Kuluna, il est difficile de cerner leur véritable identité. Mais les Kuluna sont pour la plupart des marginaux. Sur le terrain, ils sont facilement repérables par leur coiffure et leur habillement.

 

Ils opèrent calmement, souvent la nuit. Rien ne résiste à leur passage, car sur leur chemin, ils extorquent et arrachent de force à leurs victimes l’argent et tout autre bien précieux. Leur action est souvent accompagnée de menaces, de coups et de blessures graves.

 

Chaque jour avant d’opérer, les Kuluna convergent vers des débits de boisson et des sites de consommation excessive d’alcool locale, de drogue et de « Bombé » (4).

 

Ils évoluent par bandes organisées qualifiées « d’écuries », sous  la  houlette  d’un  chef  de gang. Chaque commune de la ville de Kinshasa possède ses bandes avec leur propre idéologie.

 

Diverses bandes se livrent à des scènes de violences sur la population, se lançant des défis et s’affrontant publiquement avec des machettes, à travers les différentes communes de Kinshasa pour un certain leadership.


Le développement de ce phénomène est en partie lié à la dégradation générale de la situation économique en RDC, aux difficultés des forces de l’ordre d’intervenir par faute parfois de moyens, à la présence d’un grand nombre de jeunes sans emploi, etc.

Relation entre les lésions et la position de la main lors de l’agression à la machette

La face palmaire est plus atteinte (10 cas) que la face dorsale (4 cas). La position de l’assaillant et de l’agressé est déterminante.

 

Les lésions sont observées à la face palmaire quand l’agressé soulève la main au niveau de la tête en voulant se protéger le visage vis-à-vis de l’arme blanche, et aussi quand l’agressé résiste à l’extorsion en éloignant la main porteuse du sac ou de l’objet du champ visuel des Kuluna.

 

Par contre à la face dorsale, ce sont des actions brusques et inattendues. Ils frappent à la main pour que l’agressé lâche le contenu de la main.

 

Si les agressés ne résistent pas lors des attaques et  lâchent « prise », ils ne frapperaient probablement pas avec la machette. En effet, c’est la main qui porte les objets qui est convoités par les agresseurs. Egman et al. observent 25 % de fréquence de site des lésions au niveau de la main et de l’avant-bras par arme blanche.

Conclusion

Les blessures ouvertes au niveau de la main et de l’avant-bras causés par ce phénomène d'agression à la machette, sont des lésions graves et complexes.

 

Bien que les résultats préliminaires de la prise en charge sont satisfaisants, les défis dans la prise en charge de ces lésions en RDC sont nombreux et résultent du délai parfois long de prise en charge.


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Sources :

(1) République démocratique du Congo : Les gangs de Kuluna
à Kinshasa https://www.ofpra.gouv.fr/sites/default/files/ofpra_flora/2112_cod_kuluna_154360_web.pdf

- Les "Kuluna", gangs armés, font la loi dans les rues de Kinshasa
https://www.voaafrique.com/a/rdc-les-kuluna-gangs-arm%C3%A9s-font-la-loi-dans-les-rues-de-kinshasa/6716385.html

(2) RDC : les gangs de Kinshasa | ARTE Reportage
https://www.youtube.com/watch?v=qnw91_B6EeQ

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Kuluna_(gang)
(3) Plaies de la main et de l’avant-bras par arme blanche dues au phénomène  Kuluna à Kinshasa (République  Démocratique  du Congo) : types de lésions et  traitement
https://facmed-unikin.net/publications/articles-originaux/plaies-de-la-main-et-de-lavant-bras-par-arme-blanche-dues-au-phenomene-kuluna-a-kinshasa-republique-democratique-du-congo-types-de-lesions-et-traitement/
(4) Bombé
https://fr.vikidia.org/wiki/Bomb%C3%A9_(drogue)