15/11/2024
Ce phénomène sociologique complexe et mal compris ne peut en aucun cas se résumer à une interprétation journalistique sans fondement.
Soit disant, d'après les acteurs de terrain, « le port et l'usage des armes blanches se banalisent ces dernières années dans les nouvelles générations ». À l'identique de cette affirmation sans preuve, la culture du couteau chez les jeunes n'existe pas.
Eades et al. (2007) (1) ont mis en évidence un manque de données détaillées sur cette « criminalié » et le port d'un couteau, notamment en ce qui concerne les auteurs, les victimes, les raisons qui motivent ce comportement et les
moyens efficaces pour réduire ce phénomène.
La majorité des informations disponibles provient de sources anecdotiques telles que les animateurs de jeunesse, les enseignants et d'autres professionnels, ce qui rend difficile l'élaboration de
politiques (si elles existent) de prévention sérieuses.
Ils soulignent que sans des informations plus précises, il est quasiment impossible de concevoir des stratégies efficaces pour lutter efficacement.
La peur et la vulnérabilité comme facteurs clés : Selon Bondy, Ogilvie et Astbury (2005) (4), la peur et la vulnérabilité sont parmi les facteurs les plus déterminants dans la décision des
jeunes de porter un couteau.
Ces chercheurs ont constaté que les jeunes issus de milieux défavorisés, ayant peu de possibilités d’éducation et exposés à la criminalité, sont particulièrement enclins à recourir aux armes pour
se protéger.
En outre, ces jeunes développent souvent une perception exacerbée de l'insécurité, notamment dans les espaces publics et la nuit, ce qui renforce leur besoin de se défendre.
L'une des conclusions majeures de l’étude d'Eades et al. est que la victimisation antérieure est fortement corrélée au port de couteaux.
Parmi les enfants scolarisés, ceux ayant déclaré avoir été victimes d’un crime étaient deux fois plus nombreux à porter un couteau (36 %) que ceux n'ayant pas été victimes (18 %).
De plus, les taux de port de couteaux étaient plus élevés chez les jeunes exclus du système scolaire (62 % contre 51 %).
Ces chiffres suggèrent qu'une partie importante des jeunes porteurs de couteaux sont influencés par des expériences de victimisation, ce qui soulève des questions sur les mécanismes
psychologiques et sociaux qui les poussent à adopter ce comportement.
Les auteurs constatent que les jeunes ayant vécu des expériences traumatisantes sont plus enclins à porter un couteau comme moyen de protection, un comportement qui semble être à la fois une
réponse à la peur et une tentative de renforcer leur pouvoir personnel.
Cette dynamique appelle à une réflexion plus approfondie sur les causes profondes de la violence et la manière dont les jeunes perçoivent la sécurité dans leur environnement.
L'impact de la pauvreté et des inégalités sociales : McVie (2010) (2) a trouvé que les jeunes portant des couteaux ou impliqués dans des gangs proviennent souvent de milieux socioéconomiques
défavorisés.
Ces jeunes présentent des antécédents familiaux difficiles, une mauvaise supervision parentale, et sont plus susceptibles d’avoir été exposés à des comportements délinquants ou antisociaux.
Il a observé que les facteurs de privation, tant au niveau individuel que communautaire, jouent un rôle majeur dans l'appartenance à un gang, bien qu'ils ne soient pas directement liés au port du
couteau.
L’étude de McVie a aussi révélé que les jeunes qui s'engagent dans des gangs ont tendance à porter des couteaux comme un moyen d'affirmer leur statut au sein de ce groupe.
Cependant, les recherches suggèrent également que les motivations des porteurs de couteaux sont diverses, et il semble exister deux cohortes distinctes : ceux qui portent des couteaux dans un
cadre de gang et ceux qui le font pour des raisons plus personnelles de protection ou de réputation.
Les études montrent également que le port de couteaux est souvent motivé par un désir de pouvoir ou de contrôle. Pour certains jeunes, porter un couteau devient une façon de renforcer leur
réputation ou d’affirmer leur autorité face à leurs pairs.
Ce besoin de se sentir plus puissant est particulièrement marqué chez ceux qui vivent dans des environnements où la violence est normalisée.
L’étude de Brown et Sutton (2007) (5) à Sydney a révélé que les facteurs familiaux et l’influence des pairs jouent un rôle crucial dans la décision de porter un couteau.
Les jeunes provenant de familles dysfonctionnelles, ou ayant été exposés à la violence au sein de leur entourage, sont plus enclins à adopter des comportements violents et à porter des
armes.
L’étude a également révélé que certains jeunes sont poussés à porter un couteau sous la pression de leurs pairs, dans un contexte de groupe ou de gang.
Une observation inquiétante faite par Brown et Sutton est que de nombreux jeunes participants à leur étude avaient été victimes de menaces ou d'agressions au couteau de la part de membres de leur
famille ou de leurs amis.
Cette violence familiale renforce l’idée que, dans certaines sociétés, les jeunes utilisent des couteaux pour se protéger, non seulement contre des inconnus, mais aussi contre des proches.
Ce phénomène illustre une normalisation de la violence qui influence le comportement des jeunes, les poussant à recourir au port de couteaux pour défendre leur intégrité physique et mentale.
Les recherches sur le port de couteaux chez les jeunes révèlent un phénomène complexe, où des facteurs individuels, sociaux, économiques et familiaux interagissent.
Les jeunes qui portent des couteaux sont souvent influencés par des expériences de victimisation, des pressions sociales et des contextes familiaux violents. Le manque de données détaillées et
les diverses motivations derrière ce comportement compliquent l’élaboration de politiques de prévention efficaces.
Pour répondre à ce problème, il est crucial d’adopter une approche holistique, qui considère non seulement les comportements des jeunes, mais aussi les environnements dans lesquels ils
évoluent.
Des interventions ciblées et une meilleure collecte de données sur les facteurs sous-jacents du port de couteaux sont essentielles pour développer des solutions durables et prévenir ce phénomène.
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Sources :
(1) Eades C, Grimshaw R, Silvestri A & Solomon R 2007. Knife crime: A review of evidence and policy, 2nd ed. London : Centre for Crime and Justice Studies.
http://www.crimeandjustice.org.uk/opus439/ccjs_knife_report.pdf
(2) McVie S 2010. Gang membership and knife carrying : Findings from the Edinburgh Study of Youth Transitions and Crime. Edinburgh: Scottish Government Social Research.
http://www.scotland.gov.uk/Resource/Doc/324153/0104312.pdf
(3) Ogilvie E 2000. Knives and armed robbery. Trends & Issues in Crime and Criminal Justice no. 159. Canberra: Australian Institute of Criminology.
http://www.aic.gov.au/publications/current%20series/tandi/141-160/tandi159.aspx
(4) Brown J & Sutton J 2007. Protection or attack? Young people carrying knives and dangerous implements. Australian Journal of Guidance and Counselling 17: 49–59
(5) Bondy J, Ogilvie A & Astbury A 2005. Living on edge : Understanding the social context of knife carriage among young people. Melbourne: RMIT University Press
- « Knife crime » in Australia : Incidence, aetiology and responses Dr Lorana Bartels
https://www.aic.gov.au/sites/default/files/2020-05/tbp045.pdf