04/02/2022
Les crimes au couteau sont une source d’inquiétude pour les forces de l’ordre et le gouvernement en Angleterre et au Pays de Galles. Mais à l’identique de la majorité des autres pays, il existe peu de recherches publiées sur ce type de criminalité.
Qui sont les individus qui utilisent des couteaux pour commettre des crimes, quand et pour quels motifs ? Qui sont leurs victimes ? Quelle est la formation du réseau social pour les personnes exposées à cette criminalité au couteau ?
En utilisant une approche multidimensionnelle, l’objectif de cette recherche effectuée par Laura Bailey, Vincent Harinam, et Barak Ariel, était de répondre à ces questions, dans l'une des plus grandes juridictions d'Angleterre et du Pays de Galles : « Thames Valley ». Les chercheurs ont d'abord fourni un examen narratif de pointe de la littérature sur les crimes au couteau. Suivi d'une analyse des données au niveau de la population :
Les informations faisant état de crimes commis au couteau ont dominé les gros titres en Angleterre et en Europe au cours des dernières années. Le président américain Donald Trump avait même comparé l’Angleterre à une « zone de guerre militaire » (1). Les politiciens britanniques ont déclaré une « urgence nationale », promettant de « sévir » contre le « fléau » des crimes commis au couteau (2,3). Pourtant, la littérature sur le sujet est comme souvent dans de nombreux pays, peu abondante (4).
Comme l’affirment Eades et al. (5), pour lutter contre la criminalité au couteau, il faut d'abord comprendre de quoi il s'agit, qui est impliqué et pourquoi certains individus y sont attirés. De plus, alors que l’utilisation du couteau à des fins criminelles est considérée comme une tendance relativement récente (ce qui est historiquement contestable), les causes citées par les personnes impliquées ressemblent à la littérature criminologique sur le chevauchement victime-délinquant (V-OO), où les victimes et les délinquants, en fonction des caractéristiques partagées et de l'espace social, sont « en corrélation » (6,7).
Cela suggère que V-OO peut être une composition théorique viable à travers laquelle il sera possible de contextualiser, prévoir et potentiellement prévenir la criminalité au couteau.
Alors que V-OO fournit une évaluation importante des personnes et de leurs facteurs de risque, la compréhension des crimes au couteau en Angleterre peut être aidée par une vision plus holistique : expliquer tous les acteurs impliqués dans le crime au couteau, et seulement ensuite passer en revue leurs liens sociaux.
En ce sens, l'analyse des réseaux sociaux (RS) offre l'opportunité d'examiner les interdépendances entre les individus impliqués dans ce type de criminalité (8).
Comme l'ont noté Lauritsen et Laub (9), ce n'est pas seulement la victimisation d'un individu qui doit être prise en compte, mais aussi la victimisation au sein de son réseau social, qui peut potentiellement être utilisée pour déterminer le risque de victimisation et de délinquance future.
Pour cela, cependant, il faut supposer qu'il existe une composante organisationnelle ou structurelle, c'est-à-dire les gangs ou un type de crime organisé, qui provoquent la prolifération et la propagation de la violence armée à travers les réseaux : la violence engendre la violence, et la proximité de la violence expose un individu à un plus grand risque de victimisation (10). Ceci, cependant, n'a pas été abordé dans la littérature sur la violence.
En combinant V-OO et RS, cette étude donne un aperçu de la nature de la criminalité au couteau en Angleterre et de la façon dont elle se propage, le cas échéant, parmi les individus et leurs associations criminelles. En particulier, les RS permettent d'examiner la structure du réseau des crimes au couteau dans la vallée de la Tamise.
Cela offre un aperçu stratégique clé qui peut éclairer les futures interventions d'application de la loi. Il est notable de préciser que cette étude examine également le rôle des représailles et de la violence entre les gangs dans les crimes commis avec un couteau. Pour ce faire, ils ont examiné les données au niveau de la population de tous les crimes, non-domestiques au couteau enregistrés par la police de Thames Valley (TVP) entre 2015 et début 2019.
D'après les dossiers de la police, les crimes commis avec un couteau ont été commis dans moins de 3,3 % de tous les crimes violents et armés en 2019, ce qui en fait un événement rare (11). Indépendamment de sa rareté, statistique, les crimes au couteau sont des événements graves où les personnes impliquées peuvent être sérieusement blessées.
En tant que tel, des recherches plus approfondies sur sa présence et sa composition peuvent donner un aperçu de la réduction des dommages. Longitudinalement, l'Office of National Statistics rapporte que la criminalité au couteau au Royaume-Uni a augmenté de 7 % entre 2018 et 2019 (12).
Cependant, le taux de croissance ralentit lorsque les données sont analysées sur une période plus longue (13). Comme c'est souvent le cas avec les événements à faible incidence, les analyses longitudinales peuvent produire des fluctuations spectaculaires d'une année sur l'autre, bien que, en termes relatifs, les variations n’évoquent que de petits changements dans le nombre d'incidences (14,15).
Cela peut conduire à l’exagération dans les médias de récent « pic » signalé dans la criminalité au couteau (16,19). Avec des titres de cette nature : « Royaume Unis, le fléau des attaques au couteau » et par le biais d’un matraquage médiatique, il est aisé de d’inventer ou de favoriser l'émergence d'un phénomène sociologique.
Une autre question concernant les difficultés à quantifier la criminalité au couteau en Angleterre, est de savoir si les dossiers de la police sont représentatifs des véritables moyennes de la population.
Lire la suite : Crime au couteau en Angleterre #2
Prétendre que les agressions au couteau se banalisent en France est purement et simplement un mensonge. Internet à de la mémoire : ce type de titre racoleur date de 2011. Ils étaient peu utilisés, mais existaient déjà... Agressions au couteau : elles se banalisent.
La conduite à tenir face à un couteau ne peut être qu’extrêmement simpliste, au vu de l’imprévisibilité des circonstances et des environnements dans lesquels cela surgira. Plus les réponses apprises sont... Conduite à tenir face à un couteau
Sources :
(*) Victims, offenders and victim-offender overlaps of knife crime: A social network analysis approach using police records
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7732065/
1. Trump D. Trump: Knife blood on UK hospital floors. BBC. 2018 May 5 [Cited 2019 Apr 30]. Available from: https://www.bbc.co.uk/news/av/world-us-canada-44008157/trump-knife-blood-on-uk-hospital-floors
2. Bowcott O, Elgot J. (2019) Sajid Javid to call for shift in mindset to tackle knife crime. The Guardian. 2019 Apr 15 [Cited 2019 Apr 19]. Available from: https://www.theguardian.com/politics/2019/apr/15/sajid-javid-to-call-for-shift-in-mindset-to-tackle-knife
3. BBC. General election 2019: Johnson pledges to extend stop and search powers. BBC. 2019 Nov 19 [Cited 2019 Nov 19]. Available from: https://www.bbc.co.uk/news/election-201
4. Richardson H. Knife crime strategy too focused on gangs,
9-50476234says ex-police chief. BBC. 2019 July 5 [Cited 2019 Nov 24]. Available from: https://www.bbc.co.uk/news/education-48881377
5. Eades C, Grimshaw R, Silvestri A, Solomon E. ‘Knife crime’: A review of evidence and policy. 2nd ed. London: Centre for Crime and Justice Studies; 2007.
6. Gottfredson MR. On the etiology of criminal victimisation. The Journal of Criminal Law and Criminology 1981;72(2): 714–726.
7. Toman E. The victim-offender overlap behind bars: Linking prison misconduct and victimisation. Justice Quarterly 2017: 1–33.
8. McGloin JM, Kirk DS. An overview of social network analysis. Journal of Criminal Justice Education 2010;21(2): 169–181.
9. Lauritsen JL, Laub JH. Understanding the link between victimisation and offending: New reflections on an old idea. In: Hough JM, Maxfield MG, editors. Surveying crime in the 21st century: Crime prevention studies. Vol. 22 New York: Criminal Justice Press; 2007. p. 55–75.
10. Papachristos AV, Wildeman C, Roberto E. Tragic, but not random: The social contagion of nonfatal gunshot injuries. Social Science & Medicine 2015;125: 139–150.
11. Humphreys DK, Degli Esposti M, Gardner F, Shepherd J. Violence in England and Wales: Does media reporting match the data?. BMJ 2019, 367, l6040 10.1136/bmj.l6040
12. Office for National Statistics [ONS] (2019) Crime in England and Wales: year ending June 2019. Crime against household and adults, also including data on crime experienced by children, and crimes against business and society, London: Office for National Statistics.
13. Ariel B and Bland M (2019) Is crime rising or falling? A comparison of police-recorded crime and victimization surveys. In: Deflem M and Silver DMD (eds) Methods of Criminology and Criminal Justice Research. Sociology of Crime, Law and Deviance, Vol. 24. Bingley, UK: Emerald Publishing Limited, 7–31.
14. Von Storch H. Misuses of statistical analysis in climate research. In: Analysis of climate variability. Berlin: Springer; 1999. p. 11–26.
15. Hinkle JC, Weisburd D, Famega C, Ready J. The problem is not just sample size: The consequences of low base rates in policing experiments in smaller cities. Evaluation Review 2013;37(3–4): 213–238. 10.1177/0193841X13519799
16. Berger CR. Base-rate bingo: Ephemeral effects of population data on cognitive responses, apprehension, and perceived risk. Communication Research 2002;29(2): 99–124.
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24. Ariel B, Bland M. Is crime rising or falling? A comparison of police-recorded crime and victimization surveys. In: Deflem M, Silva DRD, editors. Methods of criminology and criminal justice research: Sociology of crime, law and deviance. Vol. 24 United Kingdom: Emerald Publishing Limited; 2019. p. 7–31.
25. Goodall CA, MacFie F, Conway DI, McMahon AD. Assault-related sharp force injury among adults in Scotland 2001–2013: Incidence, socio-demographic determinants and relationship to violence reduction measures. Aggression and Violent Behaviour 2019;46: 190–196.