08/06/2023
Les attaques au couteau et les homicides par armes blanches constituent un problème de santé publique mondiale.
Ils tuent dans le monde plus de personnes que les conflits armés, relate une étude de l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) en 2019 (1).
La Tunisie n’est pas épargnée par cette problématique qui touche de toute façon la totalité des pays de par le monde (2).
Selon un rapport de la Direction Générale de la Sécurité Publique Tunisienne, le nombre d’affaires criminelles enregistrées durant les dix premiers mois de 2018 a atteint plus de 174 000, ce qui représente 13 % de plus par rapport à l’année 2017 (3) .
La législation en Tunisie étant restrictive quant à l’utilisation des armes à feu, les armes blanches, dont le couteau, représentent le moyen le plus généralement utilisé lors des crimes (4, 5).
Dans la région de Kairouan, les morts criminelles occupent la deuxième place en termes de violence criminelle en Tunisie avec un taux de 11,95 % de l’ensemble des actes de violence recensés en 2019 (6).
En dépit de ce taux, il existe peu d’études qui se soient intéressées à ces morts criminelles dans cette région. Sarra Ben Abderrahim et son équipe (*) ont étudié le profil épidémiologique et thanatologique (°) des homicides par armes blanches dans cette région de Kairouan.
À l’exemple de certaines études européennes (7, 8, 9), les plaies par armes blanches ont constitué le moyen le plus utilisé dans les homicides regroupés dans la région de Kairouan.
Sur l’ensemble du territoire, les mêmes constatations ont été rapportées dans le nord de la Tunisie selon une étude publiée en 2017 (10) ayant regroupé 636 cas d’homicides, sur lesquels 52 % étaient en rapport avec l’utilisation d’armes blanches et de couteaux.
Le profil victimologique se dégageant de cette étude sur les attaques au couteau en Tunisie correspond à celui :
Cette prédominance de victimes jeunes et de sexe masculin retrouvée dans certaines séries autopsiques (8, 10, 11, 12) pourrait être expliquée par le mode de vie des hommes qui fréquentent beaucoup plus que les femmes les lieux publics et de loisirs nocturnes où la consommation de stupéfiants et de boissons alcoolisées est prépondérante.
Certaines de ces activités nocturnes se terminent couramment par des altercations ou de rixes et aboutissent à un acte criminel ou à des idées ultérieures de vengeance (13, 14).
La fréquence importante des victimes célibataires, d’origine rurale et de faible niveau socio-économique pourrait être en partie expliquée par les caractéristiques socio-démographiques et économiques de la Tunisie qui est un pays avec une économie paralysé qui ne peut pas se servir de ses ressources importantes comme l’agriculture, le tourisme, le tissu industriel, et le capital humain.
En effet, l’effet désastreux de cette impotence entraîne un chômage et un sous-emploi qui se répercutent sur la sécurité sociale dans ce pays, notamment chez des jeunes sans espoir, amenés à faire valoir leur droit à travers des actes criminels et de violence au couteau (2).
Dans cette étude, une augmentation du taux d’homicides a été observée au mois d’août (durant la saison d’été), s’alignant avec les résultats d’autres recherches (11, 15).
Ces études ont expliqué l’hégémonie des homicides et des attaques au couteau en Tunisie pendant les saisons chaudes par une augmentation de l’exposition aux risques d’agressions physiques d’un plus grand nombre d'adolescents pendant les vacances d'été.
D’autre part, le risque d’agression se trouve élevé particulièrement durant le week-end du fait de la fréquence des réjouissances festives au cours desquelles les comportements agressifs sont facilités par une consommation accrue d’alcool et de produits stupéfiants.
Ce même constat a été rapporté aussi bien dans cette étude que dans la littérature (16, 17, 18), où plus de la moitié des cas d’homicides ont été commis le vendredi, en fin d’après-midi et dans la première partie de la nuit (de 18 heures à minuit).
Près de la moitié des victimes dans cette recherche sont décédées sur le lieu de l’agression, 23 % au cours de leur transport à l’hôpital et 15 % à leur arrivée aux urgences.
Des résultats similaires ont été rapportés par certaines études qui ont constaté que sur 100 décès par traumatisme pénétrants, 88 % des décès surviennent dans les 30 premières minutes après le traumatisme et 38 % sont directement la conséquence de lésions thoraciques (19, 20), soulignant la rapidité du décès dans ces cas. L’arme la plus utilisée dans cette étude était le couteau.
Ceci semble concorder avec les résultats retrouvés dans d’autres études européennes (21, 22, 23) et nationales (10).
Cette fréquence élevée de l’utilisation du couteau pourrait être simplement expliquée par la facilité d’acquisition d’une telle arme. En Tunisie ou ailleurs, le constat reste le même.
Dans cette étude, à l’identique de toute la documentation mondiale, il est démontré que le thorax a été la région la plus visée lors d'attaque au couteau.
Selon d’autres recherches, les lésions par arme blanche ont surtout intéressé la région de la tête et du cou (8, 24) en raison de la position très visible qu’occupe la tête sur le corps et dont l’atteinte peut entraîner la mort ou des préjudices esthétiques notable.
Toutefois, à l’instar d’autres études (7, 12), les plaies thoraciques retrouvées dans cette étude ont été mortelles dans tous les cas avec une prédilection pour le cœur.
Dans la littérature, la cavité ventriculaire droite est le plus souvent atteinte isolément dans 35 % des cas, le ventricule gauche isolément dans 25 % des cas et l’oreillette droite beaucoup plus rarement.
Cependant, dans 30 % des cas (25), la plaie intéresse plusieurs cavités cardiaques. D’autre part, du fait de l’effet protecteur de la tamponnade retrouvée dans 90 % des plaies cardiaques, certaines plaies du cœur ont eu un pronostic variable (26).
Dans cette étude, la présence d’alcool a été constatée dans 19 % des cas avec une alcoolémie moyenne de 180 mg/dl. Des taux plus conséquents ont été rapportés dans d’autres recherches et ont montré que 63 % (18) voire 65 % (27) des victimes d’homicides avaient une alcoolémie positive.
En effet, l’excès d’alcool est le principal facteur criminogène facilitant attribué au passage à l’acte, et ce, en modifiant le comportement de la personne qui devient agressive (28).
Les décès criminels, lors d'attaque au couteau ou par armes blanches, sont par définition des homicides et des morts violentes qui constituent un problème de santé publique planétaire. Le taux de criminalité en Tunisie est en hausse depuis quelques années, proportionnellement à celui du chômage, de la pauvreté et des crises économiques.
Les données épidémiologiques représentent dans ce contexte un outil important permettant d’évaluer l’ampleur des sujets étudiés.
Dans cette étude, les homicides au couteau et par arme blanche occupent une place prépondérante en matière de morts criminelles dans la région de Kairouan, principalement dû au fait de la facilité d’acquisition d’une telle arme.
D’autres études couvrant l’aspect plus global (social, économique…) des morts violentes dans cette région seraient d’une grande utilité. Cela démontrerait, s’il y avait encore besoin de le faire, les évidentes corrélations entre les conditions de vie globale de la population et la violence.
Note des auteurs de l’étude : « Notre étude présente certaines limites dont un biais d’informations et le manque de recueil de certaines données en rapport avec le type rétrospectif de la collecte des données.
L’effectif total de notre population d’étude n’était pas important, toutefois, les résultats dégagés étaient concordant avec ceux de la littérature, notamment concernant le profil épidémiologique et victimologique en comparaison avec celui du nord de la Tunisie. »
Les agressions avec armes blanches sont la cause la plus fréquente d'homicide au Royaume-Uni. À l’instar des idées répandus, lors de ces agressions avec armes blanches... Les agressions à l'arme blanche se banalise. Le tournevis
Déjà en 1986 S.Ø. Thoresen et T.O. Rognum, de l'Institut de médecine légale de l'Université d'Oslo (Norvège) (1), avait démontrer la variabilité des conséquences d’une attaque... Coup de couteau mortel : temps de survie et réalité
Sources :
(°) thanatologie , subst. fém.1. ,,Somme des connaissances concernant la mort; étude de la mort sous tous ses aspects`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
(1) https://news.un.org/fr/story/2019/07/1047041 Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Paix et sécurité 2019
(2) Krug E G, Dahlberg L L, Mercy J A, Zwi A B, Lozano R. World Health Organization. World report on violence and health. Geneva: 2002. [Google Scholar]
(3) http://opendata.interieur.gov.tn/fr/datas/index/page:2/sort:Data.created/direction:desc Statistiques des faits criminels sur tout le territoire de la République durant l’année 2018 en comparaison avec l’année 2017.Direction Générale de la Sécurité Publique.
(4) Ghariani B, Houissa H, Sebai F. Prise en charge laparoscopique des plaies de la paroi abdominale antérieure par arme blanche. Tunisie Medicale. 2010;88(4):245–254.
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(6) Rapport annuel sur le phénomène de la violence en Tunisie 2019. Le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES) 2019:1–62.
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(*) Mort criminelle par arme blanche dans la région de Kairouan, Tunisie : Etude rétrospective 2008-2018