28/10/2020

Agressions au couteau : elles se banalisent ?

Agressions au couteau : elles se banalisent

Prétendre que les agressions au couteau se banalisent en France est purement et simplement un mensonge. Internet à de la mémoire : ce type de titre racoleur date de 2011. Ils étaient peu à l'époque utilisés, mais existaient déjà.

 

Ils étaient minoritaires et ne servaient qu’à vendre du faits-divers. Cela fait des décennies que cette rubrique est tristement remplis par ce type de violence avec armes.

 

Ce qui diffère de façon notoire dans le mode de traitement depuis 2019, c’est d’une part la sémantique des titres, l’augmentation du relais de ces violences et surtout l’utilisation totalement irraisonnée de la peur sur le grand public.

 

Au vu de l’accumulation de cette rhétorique sur la banalisation des agressions au couteau, nous sommes citoyens, en droit d’attendre de vaines preuves quant à ces affirmations. En science, c’est à celui qui affirme d’en apporter les preuves.

 

La rigueur scientifique échappe à l’immense majorité des croyants. Pas parce qu’elle se sent supérieure, mais parce qu’elle s’applique à elle-même une rigueur et une intransigeance qui semble de l’extérieur, totalement surréaliste et incompréhensible.

« Les agressions au couteau tendent à se multiplier en France. » « Si certaines affaires ne finissent pas trop mal pour les victimes, elles virent parfois au drame. » (1) Si la situation était aussi dramatique en 2011, comment se fait t’il que depuis tout ce temps, il ne se soit rien passer de plus. Pas de grand plan gouvernementale, pas de grand débat national, pas d’états généraux, rien.

 

Sûrement parce qu’il n’y a jamais eu de banalisation ou de recrudescence significative des agressions au couteau depuis tous ce temps. Pourtant culturellement en France, un fait divers égal une loi : vite, une loi, plus jamais ça ! (5) C’est un très vieux réflexe de notre société. À chaque fait divers tragique, une nouvelle loi est annoncée pour « éradiquer » le phénomène. Là, rien… Le silence total.

Les agressions au couteau en série en France ?

Autre exemple. En 2014 à « Boulogne : agressions au couteau en série, « recrudescence » ou « coïncidences » ? (4) « Plusieurs questions se posent avec cette loi des séries. Actes crapuleux ou gestes gratuits ? Les faits mettent surtout en lumière une forme de banalisation de ce type de violences. » La même analyse indigeste, fallacieuse et sans preuves est formulé sur le fait que les agressions au couteau se banalisent.

 

L’utilisation du (pseudo) spécialiste afin d’apporter des éléments de réponse à des faits de violences permet uniquement de noircir des pages et de créer du contenu. L’analyse du conseiller municipal « à la sécurité » et du chef de service vaut particulièrement le coup par leur ridicule.

 

« Pourquoi le couteau ? É.P. conseiller municipal à la sécurité, avance une explication : « À Boulogne, beaucoup de monde se balade avec un canif ou un opinel dans la poche. Cela peut tenir d’un usage provenant du milieu des marins-pêcheurs, qui s’est transmis de génération en génération. » « C’est vrai qu’il y a ici une tradition de la coutellerie », confirme le docteur C. chef de service de l’Unité Médico Judiciaire de Boulogne. » Comment est-il possible de pouvoir laissé écrire ce genre de chose ?


L’utilisation d’un argument d’autorité ou d’un témoignage qui n’a aucune valeur, n'est pas une preuve. C'est une ficelle journalistique extrêmement utilisés qui a pour objectif d’essayer de donner de la valeur au contenu. Ficelles qui ne démontrent qu’une seule chose : l’incapacité a étayé ses propos autrement qu’avec des ragots.

 

Exemple : « Ce type d'agression est légion selon un policier toulousain : « Le plus souvent, le couteau est là pour faire peur. Mais ça peut vite mal tourner ». » (1). Oui et après ?

Taux de sécurité et de criminalité de la France

Les agressions au couteau font malheureusement partie des faits de violence sur l’intégralité de la planète. Nous n’y échappons pas plus. Par contre nous sommes beaucoup moins touchés que d’autres nombreux pays. Vivre au Venezuela, l’un des pays les plus violents au monde (près de 18 000 personnes victimes d'exécutions extrajudiciaires depuis 2016) où « 32 % des homicides survenus l’an dernier »... « ont eu lieu lors d’opérations anti-criminalité de la police » (2), est semble t’il bien différent de nos contrées.

 

Les homicides représentent un problème de santé publique, avec un taux cinq fois supérieur à la moyenne mondiale et deux fois le taux moyen pour l'Amérique du Sud.

 

La France n’est semble t’il pas un pays à feu et à sang et qui dans le monde est encore préservé au niveau violence ? La France se classe 52e sur 133 pays dans les pays les plus sûrs pour voyager (2) avec un taux de sécurité de 52,6% et un taux de criminalité de 47,3%.

 

Elle est pénalisée par son classement sur les actes de terrorisme qui font baisser sa note (3). Et même au Venezuela, un des pays ou l’ont meurent le plus par homicide dans le monde, les homicides par objets tranchants ne représentent « que 7,4% ». (13)

Le couteau et la sémantique journalistique

Jusqu’en 2019, la sémantique des violences au couteau était traitée comme tous les faits-divers de l’époque. Un soupçon de cruauté, saupoudré d’une pincée de voyeurisme, afin de nous donner envie de lire la suite.

  • « Coups de couteau au collège : que s'est-il passé ?
  • faits divers. Nancy : poignardé sur le trottoir
  • En prison pour des coups de couteau
  • Une entaille de 14 cm et un rappel à la loi pour son agresseur ...
  • Il s'acharne à coups de couteau sur un militaire
  • Un couple agressé à coups de couteau.
  • Un fou poignarde à Nanterre ».

Il n’y avait pas de surenchère particulière dans le traitement de l’information. En 2013 en Isère, s’est déroulé un événement qui pourrait facilement prêter à confusion aujourd’hui. Si cet événement avait lieu ce jour, il y aurait très peu de probabilité qu’il soit diffusé de la même façon qu’à l’époque par l’ensemble de la profession : « Fait divers. Isère : il crie "Allah est grand" et poignarde un gendarme dans la brigade de Roussillon » (6).

À partir de 2019, les agressions au couteau commencent à changer progressivement de rubrique et glisse de la rubrique des « faits divers » vers la rubrique « société » et/ou « actualité ».

 

Ce qui semble être un vrai mauvais signe de l’état de santé de la presse hexagonale. Sans avoir plus d’éléments chiffrés pour interpréter ce phénomène, la presse décide d’elle-même que les violences avec armes deviennent de l’actualité ou des phénomènes de société.

Agressions au couteau et les « on dit »

Pourtant, il suffit de chercher un tout petit peu pour trouver quelques éléments de réponse plus probants que les « on dit ». « Vols avec armes : poursuite de la baisse annuelle entamée en 2014. Le nombre de vols avec armes (armes à feu, armes blanches ou par destination) enregistrés par les forces de sécurité a baissé en 2018 (-10 %), à un rythme sensiblement accéléré par rapport à l’année précédente (-3 %).

 

Le niveau annuel tombe pour la première fois en dessous des 8 000 infractions » « Des armes à feu sont utilisées dans environ un tiers des vols avec armes chaque année. Leur baisse en 2018 est encore plus prononcée (-17 %).

 

En infra-annuel, la nette réduction des vols avec armes au deuxième trimestre 2018 a été partiellement compensée par la hausse des deux trimestres suivants » « , ce qui interrompt la tendance à la baisse observée entre les deuxièmes trimestres de 2017 et 2018. » (12)

Qu’elle solution contre cette violence avec arme ?

  • le plan Vigipirate opérationnel sur notre territoire depuis 1995 (7) ? Inutile en tous points. Exemple : l'attentat de la gare Saint-Charles de Marseille s'est déroulé précisément dans une zone de patrouille. C’est un réserviste qui a fait feu pour mettre fin à l’attentat et pas un militaire de métier (15).
  • « Il faut renforcer en urgence la réglementation » ? L’ancien conseiller municipal socialiste Patrick Allemand prône un durcissement de la loi sur le port d’armes blanches (8). Force est de constater que cela n’a absolument aucun effet, ni aucun intérêt. « La loi protège-t-elle encore le faible lorsqu'elle est aussi complexe, foisonnante et instable ? » (11). Concernant la législation, chaque pays dans le monde possède une réglementation (9) qui lui est propre. Aucune n’a parfaitement prouvé son efficacité. Dans l’histoire des hommes, des textes de loi n’ont jamais éradiqué la violence. Rien n’empêchera à un moment ou à un autre l’utilisation d’un couteau lors d’un acte violent.

Cela commencerait par effacer le grand cliché de « la violence gratuite ». La violence gratuite n’existe pas (10) et ne correspond à aucune réalité : elle n’émane que d’une rhétorique politicienne anxiogène. Existe-t-il des solutions ? Prendre à bras-le-corps les activateurs de violence (14).

Les activateurs de violence connus depuis toujours

Ceux sont des faits, des comportements sociaux ou délictueux pouvant avoir une incidence sur la prévalence des homicides. Ces facteurs, souvent à l’origine de la survenance de la criminalité, augmenteraient la survenance d’homicides (Ouimet & Guay, 2015).

  • Un activateur majeur est l’urbanisation. Elle est considérée par la recherche comme un facteur criminogène, puisqu’il s’agirait d’une source d’anomie (Durkheim, 1897), de pathologie sociale (Wirth, 1938) et d’opportunités pour le crime (Cohen & Felson, 1979).
  • Le sentiment d’insécurité renvoie à « un set de manifestations émotives alignées avec la peur d’être victimisé » (Ferraro & LaGrange, 1987) et cette peur peut mener à la violence de différentes manières. Cusson (1999) estime que les gens, familles ou communautés effrayées peuvent adopter des comportements disproportionnés face à des situations créant un sentiment d’insécurité. La peur peut également amener les individus à se replier chez eux et délaisser les lieux publics, ce qui engendrerait une baisse des contrôles sociaux formels (Ouimet & Guay,2015).
  • De nombreux scientifiques estiment que l’alcool est la substance psychoactive la plus impliquée dans les homicides, tant chez les auteurs que chez les victimes (Fendrich et al., 1995; Yarvis, 22 1994). En 2002 les chiffres de l’OMS (OMS, 2016) montrent qu’un quart des homicides sont attribuables à l’alcool. Plusieurs théories considèrent que l’alcool a une influence directe ou indirecte sur l’homicide, telles que l’apprentissage social ou les activités routinières (Miethe, Stafford, & Long, 1987; Sampson & Wooldredge, 1987).
  • Le contrôle social formel. De faibles institutions judiciaires contribuent à produire davantage de violence et d’homicides. D’une part, les délinquants vont percevoir un faible risque encouru et agir en accord avec leurs intentions. D’autre part, si le système ne protège pas les individus, ces derniers vont s’armer afin d’être en mesure de réagir lorsqu’ils se sentent menacés ou pour se venger. La théorie de la civilisation contient des éléments clairs de la théorie du contrôle social. Si les sources externes du contrôle social formel deviennent plus efficaces alors les homicides devraient baisser (Kivivuori, Savolainen, & Danielsson, 2012).
  • La corruption. Le niveau de corruption peut impacter également le taux d’homicide puisqu’elle exacerbe les inégalités et les injustices (Nations Unies, 2004) et contribue à la violence vu que les criminels violents ne sont pas poursuivit. À ce sujet, Antonnacio et Tittle (2007) trouvent un effet positif entre la corruption et le taux d’homicide. Cependant, les études portent principalement sur la corruption policière (Hartford, 2005; Kane & White, 2009; Lee et al., 2013; Parnaby & Leyden, 2011) et dans une moindre mesure sur les autres institutions corrompues. Lorsque les institutions de justice pénale sont corrompues, elles sont moins efficaces pour poursuivre les délinquants, diminuent les risques encourus et favorisent les initiatives individuelles pour se faire justice (Ouimet & Guay, 2015; Gerber & Mendelson, 2008).

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Sources :

(1) https://www.ladepeche.fr/article/2011/01/08/985434-agressions-au-couteau-elles-se-banalisent.html
(2) https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2019-12-27/moins-d-homicides-en-2019-au-venezuela-mais-la-violence-reste-endemique
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/pres-de-18-000-personnes-victimes-d-executions-extrajudiciaires-au-venezuela-depuis-2016_2101343.html
https://fr.statista.com/statistiques/697275/taux-mortalite-venezuela/
(3) https://fr.numbeo.com/criminalit%C3%A9/classements-par-pays
https://fr.numbeo.com/criminalit%C3%A9/classements-actuels-pour-la-r%C3%A9gion?region=150
(4) https://www.lavoixdunord.fr/art/region/boulogne-agressions-au-couteau-en-serie-ia31b49030n1834848
(5) https://www.lemonde.fr/politique/article/2011/11/22/l-emotion-fait-la-loi-une-habitude-depuis-2002_1606906_823448.html
(6) https://www.leprogres.fr/actualite/2013/05/07/roussillon-un-gendarme-poignarde-dans-sa-brigade
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_Vigipirate
(8) http://niceaucoeur.fr/2020/07/28/agressions-au-couteau-a-nice-il-faut-renforcer-en-urgence-la-reglementation-reclame-patrick-allemand-ps/
(9) https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9gislation_concernant_les_couteaux
(10) https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/il-n-y-a-pas-de-violence-gratuite-73739
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/06/18/le-concept-de-violences-gratuites-une-construction-politique_5477656_3232.html
(11) Mme Josseline de Clausade
https://www.senat.fr/ej/ej03/ej030.html
(12) https://www.epsilon.insee.fr/jspui/bitstream/1/77094/1/SSMSI_IC_32_2018.pdf
(13) http://vitae.ucv.ve/pdfs/VITAE_5308.pdf
(14) https://apps.who.int/gho/data/view.main.52160
(15) https://www.ladepeche.fr/article/2017/10/02/2657082-attaque-marseille-est-reserviste-region-abattu-assaillant.html