04/04/2025
L'interdiction généralisée du port d'une arme de défense sur soi en France n'est pas une simple contrainte administrative, mais le reflet d'un choix de société profondément ancré dans
notre histoire et dans la conception de l'État.
En confiant le monopole de l'usage légitime de la force à ses institutions, notre pays privilégie la sécurité collective et la prévention des troubles à l'ordre public sur le droit individuel à
l'autodéfense armée dans l'espace public.
Aujourd'hui considérée comme une évidence légale dans notre société, cette restriction n'a pourtant rien de naturel d'un point de vue historique.
Cet interdit, sans autorisation, de porter ou de transporter représente l'aboutissement d'un long récit juridique et social qui remonte au Moyen Âge.
Comment cette obligation s'est-elle mise en place au fil des siècles et quelles sont les justifications qui ont permis à l'État de s'approprier ce monopole de la « défense légitime »
?
C'est là que réside toute la subtilité, et la sévérité de la loi. Le « motif légitime » n'est pas défini par la loi, mais laissé à l'appréciation subjectives des forces de l'ordre lors
d'un contrôle, et in fine, du juge en cas de poursuite.
La jurisprudence, analysée dans certains articles de doctrine juridique, montre que la simple peur ou le besoin général de se défendre n'est jamais reconnu comme un motif justifiable pour porter
un objet de défense dans l'espace public.
« Mieux vaut prévenir que guérir », dit l'adage. Face à un sentiment d'insécurité, l'idée de porter sur soi un petit quelque chose « au cas où », comme une bombe lacrymogène
ou autre peut traverser l'esprit de tout un chacun.
Pourtant, la loi française est extrêmement claire et restrictive : le port et le transport de la quasi-totalité de ces objets, considérés comme des armes de catégorie D, sont interdits sans motif
légitime.
Mais pourquoi une telle sévérité, souvent perçue comme un frein à la légitime défense ?
Loin d'être une décision récente ou arbitraire, cet interdit plonge ses racines dans la construction même de l'État et dans des siècles d'évolution législative.
Pour comprendre cette contrainte sociale actuelle, il faut remonter le temps et observer comment ceux et celles qui légifèrent ont progressivement affirmé leur monopole sur l'usage de la
violence.
Sous l'Ancien Régime, le port d'armes (notamment l'épée) était souvent un privilège de la noblesse, mais déjà, le pouvoir royal a tenté de limiter la violence privée, notamment les duels, par
divers édits.
Des recherches historiques montrent que la monarchie a cherché à établir son autorité en contrôlant la violence entre ses sujets.
Selon les recherches de Romain Wenz, l'interdiction de porter un moyen de se défendre en France trouve ses racines au milieu du XIIIe siècle.
À cette époque, la monarchie française cherchait à renforcer son autorité en s'appropriant progressivement le contrôle de la violence.
Le roi Louis IX fut l'un des premiers souverains à mettre en place des réformes visant à réglementer la violence, notamment en instaurant des restrictions concernant le port d'armes.
Cependant, c'est sous Philippe le Bel, avec l'activité intense des juristes royaux, que cette législation s'est véritablement systématisée au début du XIVe siècle.
Les motivations royales étaient alors doubles :
L'interdiction du port d'armes n'était pas qu'une simple mesure de police.
Elle participait à la définition même de l'État en formation :
Cette condamnation du port d'armes blanches s'est construite progressivement comme un « cas royal », c'est-à-dire une infraction relevant exclusivement de la justice du roi.
Cette construction juridique s'appuyait à la fois sur le droit romain et le droit canonique.
Le droit romain fournissait notamment la notion « d'armes prohibées » (arma prohibita), initialement définie dans un texte de Justinien.
Cependant, les juristes médiévaux ont adapté cette notion :
Cette évolution reflète une adaptation pragmatique à la réalité médiévale :
Cette évolution juridique a trouvé son aboutissement à la fin du Moyen Âge, avec les réformes militaires de Charles VII dans les années 1440, qui ont établi une armée professionnelle
permanente.
Une ordonnance du 25 novembre 1487 a formalisé cette distinction en interdisant à tous les sujets de porter des armes « sinon nos officiers, gens nobles et ceux de notre
ordonnance ».
Cette logique s'est poursuivie et renforcée au fil des siècles, pour aboutir à la législation contemporaine qui fait du port d'armes une exception strictement encadrée.
Aujourd'hui, l'interdiction du port d'armes repose sur plusieurs justifications qui s'inscrivent dans la continuité de cette histoire :
L'interdiction du port d'armes en France n'est pas qu'une simple disposition légale : elle témoigne d'une conception particulière du rapport entre l'individu et l'État.
Cette interdiction, construite progressivement depuis le XIIIe siècle, reflète un choix de société où la protection individuelle est déléguée à l'autorité publique plutôt que laisser à
l'initiative personnelle.
Si cette interdiction nous semble aujourd'hui naturelle, elle est pourtant le fruit d'une longue construction historique, juridique et politique, qui continue d'évoluer face aux enjeux
contemporains de sécurité.
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Sources :
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Monopole_de_la_violence_l%C3%A9gitime
- https://enc.hal.science/hal-04082581v1
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2248
- https://hal.science/halshs-02523453v1
- https://droit.cairn.info/la-legitime-defense--9782271120618-page-195?lang=fr
- https://www.semanticscholar.org/paper/%22%C3%80-armes-notables-et-invasibles.%22-Qu'est-ce-qu'%C3%AAtre-Wenz/9d3e2a8f5c78801fd7fd0b13cee3b06b2891ab38
- https://www.semanticscholar.org/paper/L%E2%80%99architecture-militaire-dans-l%E2%80%99espace-lorrain-(v.-Giuliato/999c111abb2ea794f15e69c04206b9bf7315a7a8