20/03/2025

Existe-t-il des schémas dans l'usage d'armes au fil des siècles ?

Existe-t-il des schémas dans l'usage d'armes au fil des siècles ?

Oui, des schémas comportementaux communs aux humains existent dans l’usage des armes blanches, mais ils sont constamment réinventés par les cultures et les époques.

Ces pratiques révèlent autant l’universalité de nos instincts, que la diversité des réponses sociales aux défis de chaque siècle.

Depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, des couteaux, poignards, haches, bâtons ou épées ont joué un rôle dans les sociétés humaines.

Si leurs usages varient selon les cultures et les époques, des schémas récurrents émergent :

  • Symbolisme.
  • Statut social.
  • Adaptations aux besoins pratiques ou guerriers.

Mais ces pratiques obéissent-elles à des dessins récurrents ou varient-elles radicalement selon les cultures et les époques ?

Cette brève mêle rigueur scientifique et accessibilité en s’appuyant sur des concepts psychosociologiques et historiques, tout en évitant l'étude des armes à feu pour se concentrer sur les outils ancestraux.

La préhistoire : outils devenus armes, une dualité originelle

Les premières traces d’armes blanches remontent à plus de 2 millions d’années. Les bifaces en silex servaient à la fois à chasser, couper et se défendre.

Selon une étude publiée dans Journal of Archaeological Science (2015), les outils tranchants étaient déjà utilisés pour des conflits intergroupe, comme en témoignent des squelettes de Néandertaliens portant des marques de coups.

Le bâton, prolongement naturel du bras humain, a évolué en armes plus sophistiquées comme les lances.

Les haches de pierre, initialement conçues pour abattre des arbres, sont devenues des armes de jet lors de raids, comme le montrent des découvertes en Afrique de l’Est (Toth & Schick, 2007).

Schéma commun : la frontière entre outil et arme est floue, illustrant une adaptation pragmatique aux besoins de survie.

Antiquité : armes sacrées et marqueurs de pouvoir

En Egypte ancienne, le couteau était associé au sacré. Le pesesh-kef, un couteau en obsidienne, servait lors des rites funéraires pour « ouvrir » symboliquement la bouche des défunts (Ritner, Journal of Egyptian Archaeology, 1992).

À l’inverse, le poignard en bronze des élites mésopotamiennes (comme ceux trouvés à Ur) symbolisait l’autorité royale.

Chez les Romains, le gladius (épée courte) et le pugio (poignard) étaient réservés aux légionnaires. Selon l’historien Adrian Goldsworthy (The Complete Roman Army, 2003), ces armes incarnaient la discipline militaire et le droit de citoyenneté.

Schéma commun : les armes deviennent des objets ritualisés et des marqueurs de hiérarchie sociale.

Des schémas culturels ancrés dans l’héritage transgénérationnel

Les comportements liés aux armes blanches sont souvent façonnés par des transmissions culturelles profondes.

Par exemple, les techniques de combat au sabre des samouraïs japonais ou les écoles européennes d’escrime médiévale illustrent des schémas répétitifs transgénérationnels.

Ces pratiques, ritualisées et enseignées de génération en génération, reflètent des valeurs collectives : honneur, discipline ou survie.

Ainsi, une culture valorisant le sacrifice (comme dans certaines traditions martiales) perpétue des modes d’utilisation spécifiques, intégrés comme des schémas d’action fixes.

L’influence des contextes historiques : de la survie au symbolisme

Les époques jouent un rôle clé dans l’évolution des usages. Au Moyen Âge, l’épée était à la fois une arme de guerre, un symbole de statut social et un outil de justice.

En revanche, dans les sociétés précolombiennes, le bâton ou la hache avaient des fonctions à la fois utilitaires (chasse, agriculture) et rituelles.

Ces différences montrent que les schémas comportementaux s’adaptent aux besoins matériels et idéologiques d’une période donnée.

L’apparition des guildes d’artisans en Europe a standardisé la fabrication des couteaux, influençant leur usage quotidien.

Le Moyen Âge : les armes du quotidien et les codes chevaleresques

Au Moyen Âge européen, le couteau était omniprésent dans la vie quotidienne : outil de cuisine, accessoire de table (chaque invité apportait le sien.), et arme de dernier recours.

Les poignards à rouelles (XIIIe siècle), avec leur garde circulaire, étaient utilisés pour percer les mailles des armures.

Les épées, comme l’épée longue des chevaliers, étaient associées à des codes d’honneur.

La Chanson de Roland (XIe siècle) vante ainsi Durandal, épée « sacrée » du héros. En parallèle, les haches de guerre vikings (comme la Daneaxe) symbolisaient la puissance guerrière, mais aussi l’identité clanique (Price, The Viking Way, 2002).

Schéma commun : une dichotomie entre usage pratique (couteau) et dimension symbolique (épée, hache).

La Renaissance : du duel aristocratique aux armes d’apparat

À la Renaissance, le poignard de parade se répand dans les cours européennes. Richement décoré, il sert à afficher sa richesse, comme le cinquedea italien. Les traités d’escrime (Fiori dei Liberi, 1409) codifient son usage dans les duels, réservés aux nobles.

Le bâton, quant à lui, prend une dimension artistique : en Asie, les techniques de bo (bâton long) japonaises ou de kali philippin intègrent des philosophies martiales (Draeger, Classical Budo, 1973).

Schéma commun : les armes blanches deviennent des supports d’art et de ritualisation de la violence.

Convergences et divergences d'un équilibre entre universalité et spécificité

Malgré les différences culturelles et historiques, certains schémas universels émergent :   

  • La polyvalence : le couteau, utilisé autant pour la cuisine que pour la défense, illustre un schéma d’attachement pragmatique.  
  • La ritualisation : des cérémonies comme le kata japonais ou les duels européens montrent une tendance à codifier l’usage des armes, renforçant des schémas communs d’apprentissage.

Cependant, ces modèles s’adaptent toujours aux contextes locaux. Par exemple, la hache viking, conçue pour le combat naval, diffère en usage de la hache agricole médiévale.

Conclusion

Si les usages des armes blanches varient selon les cultures, trois constantes émergent :

  • L’adaptabilité : une transition permanente entre outil et arme.
  • Le symbolisme : la représentation du pouvoir, du sacré ou de l’identité.
  • La codification sociale : un accès restreint ou régulé selon le statut.

Comme l’écrit l’anthropologue David Jones (The Secret History of the Sword, 1998) : « L’histoire des armes blanches est un miroir de l’humanité – à la fois créatrice et destructrice. »


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Sources :

- Toth & Schick (2007), The Oldowan: Case Studies into the Earliest Stone Age.
https://www.researchgate.net/publication/265247805_The_Oldowan_Case_studies_into_the_earliest_Stone_Age
- Ritner (1992), The Mechanics of Ancient Egyptian Magical Practice.
https://archive.org/details/mechanicsofancie0000ritn
- Goldsworthy (2003), The Complete Roman Army.
- Price (2002), The Viking Way: Religion and War in Late Iron Age Scandinavia.
https://en.wikipedia.org/wiki/The_Viking_Way_(book)
- Takhar (2005), Sikh Identity: An Exploration of Groups Among Sikhs.
https://archive.org/details/sikhidentityexpl0000takh
- https://www.semanticscholar.org/paper/Exaltations-des-armes-blanches-et-primitivisme-dans-Lafon/df3198a3da5133f1394639f6a2869d973161ca3e
- Le gladius
https://fr.wikipedia.org/wiki/Glaive
- Le Pugio
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pugio
- Le Cinquedea
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cinquedea