23/10/2023

Sentiment d'insécurité. Panoptique de la surveillance de l'espace public

Sentiment d'insécurité. Panoptique de la surveillance de l'espace public

Le sentiment d’insécurité dans l’espace public n’est pas une dimension réelle qui pourrait se traduire par un indicateur statistique unique, mesurable et fiable.

 

Pratique ? (4) Malgré tout, ce débat occupe toujours la scène médiatique en France depuis la fin des années 1970.

 

Qu’est-ce qu’un sentiment ? Il s’agit de la « Faculté de sentir, de percevoir une sensation... » (5) Le sentiment est avant tout l'acte et le résultat d'un ressenti, lequel désigne la prise de conscience immédiate, sans intermédiaire des choses et de nous-même.

 

L'objet du sentiment est toujours ce qui nous « touche ». Il est différent selon chaque individu.

 

Elle constitue donc une sorte de réaction naturelle biaisé et totalement subjective. Le « panoptique (7) des médias de grands chemins » et des « Big Data » (6) parlent toujours de peur et de l'insécurité et de la délinquance en France.

 

Mais ne pourrait-il pas s’agir également de colère, voire tout simplement de vigilance naturelle de son environnement quotidien face à une exposition urbaine délétère.

La préoccupation des tensions sécuritaires

L'autre extrémité de l'insécurité n'a pas grand-chose à voir avec l'expérience du délinquant ou son exposition au risque.

 

Moins expérientielles, mais plus expressives : ces tensions sécuritaires sont une manière d'exprimer une préoccupation qui se concentre sur la criminalité, mais qui la dépasse. Ce n’est qu’une perception de la réalité.

 

Dans ce débat fallacieux, une confrontation entre ceux qui affirment que l'insécurité n'a cessé de croître depuis un demi-siècle et ceux qui affirment que ces progrès sont en grande partie imaginaires, fait rage.

 

Ce concept est devenu un enjeu essentiel pour l’avenir, dans le développement global de la surveillance de l’espace public.

 

Notre société est dominée par une nouvelle utopie, la surveillance numérique, dont on dit qu'elle a le pouvoir d'éradiquer la criminalité et la délinquance (1).

 

Sauf qu'il à été démontré que la vidéosurveillance est inefficace pour lutter contre ce phénomène.

 

 

Que penser d’une société qui serait ainsi entièrement visible grâce à des technologies de surveillance des mouvements et des comportements ?

Le sentiment d’insécurité en France vu de l’étranger

En France, les politiques publiques ont commencé à définir les incivilités comme un sujet principal et un objectif sur lequel se concentrer il y a plus de deux décennies.

 

Pourtant, ce que ce terme signifie réellement est encore quelque peu flou : chaque organisme qui l'utilise a sa propre définition.

 

Malgré, ou peut-être, à cause de son caractère très vague, ce concept de sentiment d’insécurité est devenu largement partagé et utilisé, s’assurant une place sur les agendas de la plupart des politiciens et devient une part croissante des missions d'un nombre de professionnels de la sécurité privé, des policiers, y compris des agents de la police municipale.

 

L'éventail des situations et des comportements potentiellement inclus dans la liste des infractions pénales est apparemment sans fin en France. Dans « l'État 4001 » (8), les infractions y sont classées en 107 catégories (9) :

  • si l'on peut être vu, il est interdit d'être nu chez soi (15.000 euros d'amende et un an d'emprisonnement) (10) ;
  • crimes de haine (racistes, xénophobes, antireligieux, anti LGBT, sexistes, etc.) ;
  • atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ;
  • délit d'agression sonore ;
  • sans-abri privatisant les lieux publics ;
  • attroupement et occupation des parties communes ;
  • harcèlement de rue ;
  • etc.

Et ainsi de suite. La réalité racontée par les chiffres comme par les faits divers est dangereusement partiels et parfois partiale.

Les incivilités augmentent en raison d’une absence de réponse du législateur

Cet article (3) se concentre sur la façon dont les troubles sont réellement définis, mesurés et traités dans la pratique. Il est souvent affirmé que les incivilités augmentent en raison d’une absence de réponse du législateur.

 

Les recherches prouvent que l'action est loin d'être simplement corrélative à la capacité juridique de sanction.

 

De nombreuses études ont discuté de la criminalité et du sentiment d'insécurité dans l'espace public. Ces études produisent des résultats divers de diverses variables et d'objets différents.

 

Cependant, la configuration spatiale urbaine reste inexplorée dans l'étude de l'insécurité de la criminalité dans l'espace public. Cette étude (2) utilise une méthode de revue systématique en évaluant des recherches effectuées entre 1970 et 2021.

 

Les citoyens sont concentrés dans des espaces publics, créant ainsi des opportunités de criminalité. La criminalité est considérée comme l'une des causes du sentiment d'insécurité.

 

Dans l'étude de la psychologie sociale, le sentiment d'insécurité dans les espaces publics est assimilé à la peur du crime ou à la façon dont les individus perçoivent l'insécurité en raison des caractéristiques d'un lieu dangereux.

 

Jusqu'à présent, dans le contexte urbain, les données statistiques détenues par les forces de l'ordre n'ont accordé plus d'attention qu'au nombre de crimes signalés, ainsi, l'aspect de la peur du crime dans les zones urbaines a été ignoré, sous-exploré et sous-documenté.

Conception de la criminalité et l'insécurité dans les espaces publics

Les résultats indiquent que les études sur la criminalité et l'insécurité dans les espaces publics dans le contexte de la planification et de la conception urbaine évaluent principalement les caractéristiques de conception (prévention de la criminalité grâce à la conception environnementale) et les caractéristiques sociodémographiques à micro-échelle de l'environnement urbain.

 

En revanche, les configurations spatiales urbaines à grande échelle ou variables restent sous-explorées.

 

Des études ont montré que des problèmes surgissent si les politiques et la planification dans les zones urbaines ignorent les perceptions individuelles du sentiment d'insécurité face à la criminalité à une échelle macro.

 

Les résultats de ces études constituent une lacune en matière de recherche pour des études ultérieures.

Évaluation du sentiment d’insécurité par les chercheurs

Cette étude (2) suggère que davantage de chercheurs devraient évaluer concrètement le sentiment d'insécurité lié à la criminalité dans les espaces publics à l'échelle macro, en particulier :

  • l'aspect de la configuration spatiale urbaine ;
  • l'échelle de la ville ;
  • le type de développement ;
  • les modèles de répartition de la population et de l'emploi ;
  • le degré de regroupement et le paysage.

L’insécurité est dans les villes

En matière de délinquance, les villes se trouvent, depuis le début des années quatre-vingt, confrontées à une hausse significative des faits constatés par les services spécialisés.

 

La délinquance enregistrée s’est stabilisée au milieu des années quatre-vingt-dix sur un palier supérieur à celui de la décennie précédente.

 

Cette croissance des faits enregistrés s’est accompagnée d’une diversification de ces formes d'expression : « Émeutes urbaines » parfois, et plus fréquemment de tension permanente entre groupes et services collectifs.

 

En particulier, des tensions exacerbées dans certains quartiers entre les jeunes et la police.

 

L’immense majorité de la violence en France à lieu dans les grandes villes (11). Pourtant, la « presse de grand chemin » édite et réédite jusqu'à plus soif des gros titres sur « la hausse du sentiment d'insécurité dans les quartiers et les villages, des Français » (12).

Le cas de la notion d’incivilités

Cette notion, importée des États-Unis, envahit depuis plusieurs années les discussions des experts en prévention et en sécurité. Il vise à décrire de nombreux gestes répétitifs, troublant la tranquillité des habitants et provoquant un sentiment d'insécurité.

 

Cependant, le terme recouvre une grande variété de choses qui peuvent tantôt relever des dispositions de la loi, tantôt des dispositions de règlements, voire même relever des dispositions du « vivre-ensemble ».

 

Ainsi, en fonction du lieu, de l'organisation et de « l'expert », nous sommes confrontés à de nombreux projets de construction linguistique de ce type.

 

En fait, c’est l’usage pragmatique qui donne beaucoup de sens à cette notion par essence subjective. Des significations multiples sont liées aux buts que poursuivent les acteurs et aux usages « combinés » qu’ils en font.

 

Le terme d'incivilité ne devrait donc pas être utilisé pour décrire une réalité sociale, ni pour justifier un quelconque sentiment d’insécurité.

Panoptique de la surveillance de l'espace public

Comme Michel Foucault (1975) l’a montré, nous ne serions pas dans une « société du spectacle » (Debord, 1967), mais dans une « société de la surveillance » (p. 7).

 

L’architecture panoptique de Jeremy Bentham (1787), permettant « à un seul regard de tout voir en permanence », s'applique t'elle de plus en plus à notre espace public ?

 

La surveillance ne se limite plus, depuis longtemps, à l’environnement carcéral et il s’étend à mesure que les objets connectés et la vidéosurveillance se répandent.

 

Nous vivons dans un espace public traçable, dans lequel le corps humain, fait l’objet d’une capture numérique, comme un simple colis dont on suit virtuellement la trace. De surcroît, l’être humain se surveille de son propre chef. Inutile de lui imposer.

 

Ce « panoptique de la surveillance de l'espace public » impacte également de manière plus importante les plus pauvres en milieu urbain. Ils ont, soit, un accès à une mobilité dans les grandes villes, mais ils n’ont pas la même liberté de se déplacer que les autres.

 

Car les usagers des transports en commun sont plus susceptibles d’être beaucoup plus surveillés que les personnes d’une autre catégorie socioprofessionnelle, circulant dans leur véhicule (13).

Panoptique de la vidéosurveillance française

La croissance spectaculaire de la vidéosurveillance dans les espaces publics depuis l’élection présidentielle de 2007 n’a pas fait l’objet d’étude scientifique approfondie.

 

Cet article (14) propose une étude de cas et une recherche de terrain dans une petite ville (Saint-Jean-la-Rivière) équipée d'un système de vidéosurveillance considéré comme exemplaire par les autorités locales.

 

Les recherches montrent que la vidéosurveillance :

  • n’a aucun effet dissuasif sur les comportements illégaux ;
  • qu’elle n’a généralement aucun impact sur le niveau de délinquance enregistrée.
  • s’illustre également par un phénomène de déplacement de la délinquance.

Il est alors possible de mesurer l'apport de la vidéosurveillance au travail de la police judiciaire, montrant que cet apport est réel mais limité. En fin de compte, la vidéosurveillance apparaît essentiellement comme un outil de gestion urbaine municipale locale, peu lié à la politique locale de sécurité et de prévention.

 

Laurent Mucchielli analyse ensuite les dynamiques politiques qui ont conduit au succès de cette technologie, montrant qu'elle constitue un capital politique tant pour le gouvernement qui a décidé d'encourager sa généralisation que pour les bureaucrates.

 

Les élus locaux veulent montrer leur action dans ce domaine, qui est lié au fort développement du secteur de la sécurité et au fameux phénomène du sentiment d’insécurité.

Les médias construisent la réalité de la peur de l’insécurité

Lorsque l’on parle d’usage de la peur dans les médias, on se réfère généralement à des campagnes visant à susciter la peur chez le récepteur en vue de provoquer certains effets.

 

Cependant, les médias construisent la réalité en la concevant aussi bien qu'en l'émotionnant pour leur auditoire. Ils formatent, c'est-à-dire qu'ils n'invente pas le discours du sentiment d'insécurité, mais ils en choisissent l’exposition, les mots, le récit et la problématisation.

 

Ils fixent l'ordre du jour conceptuel et émotionnel de la réalité vécue par le spectateur (15).

 

À force de répéter que la menace terroriste reste élevée et que les attentats demeurent le problème de société le plus préoccupant. Les Français s’en préoccupe plus que le chômage (12). Pratique ?


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