31/07/2023

L’éthologie de rue et l'agressivité humaine

L'éthologie de rue n’existe pas. Ce n’est ni un concept, ni une para-science. Il s’agit uniquement d’une allégorie afin d’aborder le sujet de cette discipline scientifique (étude du comportement animal en milieu naturelle et en milieu expérimentale) dans l’étude de l’agressivité humaine et la violence de rue.

 

L’éthologie joue un rôle crucial dans la compréhension de notre agressivité, si nous sommes prêt à accepter que nous sommes uniquement des animaux comme les autres.

 

En examinant le comportement des animaux non-humains, nous pourrions mieux percevoir ce qu'est l'agressivité et comment elle se compare à certains modèles de comportement humain similaires. 

 

Tout au long de son évolution, l’éthologie a adopté et adapté des méthodes issues d’autres disciplines en fonction de leurs progrès respectifs (statistiques, psychologie expérimentale...).

 

Mais le fondement méthodologique de l’éthologie reste l’observation des comportements en situation naturelle. Grâce à la principale évolution technologique de ces dernières années, le téléphone portatif munie d'une caméra, « l'éthologie de rue » à fait un bond en avant.

 

Pour aborder cette question de manière approfondie, il est essentiel d'étudier les animaux dans leur environnement naturel. Cela nous permet de comprendre comment leur comportement est adapté à leur environnement, et c'est seulement là que nous pouvons apprécier la valeur de survie de leurs actions.

 

Parallèlement, des recherches en laboratoire nous permettent de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à l'agression en créant des expériences minutieusement contrôlées.

Agressivité naturelle et violence sociale de Konrad Lorenz

Konrad Lorenz, l'un des pionniers de l'éthologie, a largement diffusé ses opinions sur l'agressivité dans son ouvrage « L’agressivité » (1), qui a suscité un vif intérêt.

 

Cependant, de nombreux éthologues ne sont pas d'accord avec ses idées, ce qui a incité beaucoup d'entre eux à consacrer du temps pour approfondir l'étude de l'agressivité.

 

Ces efforts ont abouti à une meilleure compréhension de l'agression, de ses causes et de ses fonctions, qui peuvent différer des idées avancées par Lorenz à l’époque.

 

Un défi majeur dans l'étude de l'agressivité réside dans sa définition précise. Les éthologues ont tendance à regrouper les modèles de comportement agressif en fonction de leurs similitudes.

 

Cela fonctionne bien pour certains comportements, tels que l'alimentation ou le toilettage, qui présentent des schémas moteurs relativement similaires.

 

Cependant, l'agressivité peut s'exprimer à travers une grande variété d'actions, rendant difficile une classification basée uniquement sur la forme.

 

La compréhension des causes de l'agressivité est une préoccupation majeure pour les chercheurs, et ils aspirent à définir l'agressivité en termes de stimuli externes, de substrats neuronaux et de motivations communes.

 

Cependant, il est souvent difficile d'obtenir des preuves convaincantes à cet égard, et de nombreux comportements sont classés comme agressifs en fonction de leurs conséquences plutôt que de leurs causes.

 

Il est évident que les mécanismes sous-jacents à la prédation et à l'agression peuvent présenter des similitudes, étant donné que certaines actions liées à la capture de proies peuvent être semblables à celles observées lors de combats entre animaux de la même espèce.

 

Toutefois, il est crucial de comprendre que ces comportements remplissent des fonctions distinctes et peuvent différer au niveau neuronal et physiologique en raison de leurs objectifs différents.

 

Par exemple, l'agressivité défensive, exprimée par un animal acculé par un congénère ou un prédateur, se rapproche davantage de l’agression de fuite que d'attaque.

Quelles sont les causes de l'agressivité ?

Les éthologues ont démontré que les causes d'agression peuvent varier considérablement d'une espèce à l'autre. Contrairement à l'idée de Lorenz selon laquelle les animaux possèdent une pulsion agressive innée qui augmente avec le temps, la sélection naturelle a en réalité doté les animaux de mécanismes adaptés à leur mode de vie spécifique.

 

Il n'y a donc aucune raison de considérer que différents modèles de comportement, tels que l'alimentation et l'agressivité, reposent sur des bases comportementales similaires.

 

 

Quant aux fonctions de l'agressivité, les biologistes utilisent le terme "fonction" pour désigner l'avantage sélectif ou la valeur de survie d'une caractéristique. L'idée que la sélection naturelle agirait principalement pour le bien de l'espèce ou du groupe a été remise en question. Les recherches actuelles indiquent que la sélection se produit principalement au niveau de l'individu.

 

Ainsi, l'agression entre individus d'une espèce peut être découragée si elle n'améliore pas la survie de leurs gènes communs. Dans les groupes à longue durée de vie, la coopération entre individus peut émerger, ce qui est connu sous le nom d'altruisme réciproque, et qui est particulièrement développé chez l'homme.

Les techniques d'observation en éthologie

En 1973, trois éminents chercheurs en éthologie, Karl von Frisch, Konrad Lorenz et Nikolaas Tinbergen, furent récompensés par le prix Nobel de physiologie et de médecine pour leurs contributions à la science, l'étude du comportement animal. Ces observateurs, riches d'une expérience de terrain, se sont efforcés de décrypter les schémas et les motivations qui régissent le comportement des animaux.

 

Dans le domaine de l'éthologie, les principales techniques d'observation, sont le « tour d'horizon », le « relevé chrono-cartographique », le « tracking » et « l'observation focus ».

 

Le « tour d'horizon » implique un balayage minutieux de la zone étudiée. L'observateur demeure immobile en choisissant un poste d'observation qui offre une vue panoramique du site. Dès qu'un individu est repéré, son emplacement et son comportement sont soigneusement consignés.

 

Cette procédure est répétée pour chaque sujet rencontré jusqu'à ce que toute la zone d'observation soit couverte. La fréquence du balayage visuel est déterminée en fonction de l'objet de l'étude.

 

Le relevé chrono-cartographique, semblable au « tour d'horizon », est déclenché par l'arrivée d'un individu dans la zone d'étude, par son déplacement ou encore par un changement d'activité. Chaque événement est noté sur une grille de recueil en incluant les comportements des individus présents sur le site.

 

Le « tracking », quant à lui, consiste à suivre un individu dans ses déplacements. L'observateur se déplace continuellement pour enregistrer les comportements et les mouvements du sujet, tout en maintenant une distance suffisante pour ne pas perturber son comportement naturel. Le « tracking » peut être réalisé depuis l'entrée du sujet sur le site jusqu'à sa sortie, ou être limité à une période spécifique ou à une activité particulière.

 

Enfin, « l'observation focus » se concentre sur les comportements d'un individu lorsqu'il utilise un objet ou fait face à une situation précise. Tout comme le « tracking », l'observateur enregistre l'enchaînement des comportements réalisés par le sujet tout au long de l'activité étudiée.

 

Pour consigner ces observations en vue de leur analyse et interprétation, l'éthologue a recours aux praxèmes. Ces praxèmes consistent à décrire sous forme de verbes d'action les séquences d'actes moteurs observés.

 

Les descriptions se focalisent sur les changements spatio-temporels dans les mouvements des membres et du corps de l'animal. Ces verbes d'action peuvent être précisés par des adjectifs relatifs à la localisation dans l'espace, à l'orientation ou à une partie spécifique de l'individu étudié.

 

Il est important de souligner que cette forme de description se veut dénuée de toute interprétation concernant la finalité des actions observées. Elle permet de constituer des catégories de comportements aussi précises que possible, en se concentrant sur les actions motrices spécifiques, les gestes, les postures, les expressions faciales, les objets et les directions prises par l'action.

 

En conclusion, l'éthologie, grâce à des techniques d'observation rigoureuses, nous offre un éclairage précieux sur le comportement animal. L'étude du "tour d'horizon", du relevé chrono-cartographique, du tracking et de l'observation focus permet de décrypter les motifs et les mécanismes qui gouvernent les actions des animaux, contribuant ainsi à une meilleure compréhension de leur monde complexe et fascinant.

L'agressivité animale et le comportement humain

Ces recherches sur l'agressivité des animaux non-humains peuvent être pertinentes pour comprendre notre comportement. K. Lorenz considérait l'agressivité comme une pulsion innée, mais il est désormais évident que les gènes donnent simplement des potentialités comportementales qui peuvent être influencées par l'environnement.

 

Les humains vivent désormais dans des environnements très différents de ceux auxquels la sélection naturelle les a adaptés, ce qui peut conduire à des comportements inappropriés. De plus, les gènes ne déterminent pas de manière rigide le comportement humain, et l'agressivité peuvent être modifiée par l'éducation, l'environnement et de multiples autres facteurs.

 

L'éthologie nous offre une compréhension approfondie de l'agressivité en étudiant le comportement animal. Cette recherche, ponctué d’une remise en question perpétuelle  permet de mieux appréhender les mécanismes, les différences inter-espèces et les implications pour le comportement humain.

 

La définition précise de l'agressivité est essentielle pour une analyse approfondie, et les avancées dans la compréhension de la sélection naturelle ont changé notre perspective sur les fonctions de l'agressivité dans le règne animal et humain.


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Sources :

 

(1) https://www.psychaanalyse.com/pdf/ETHOLOGIE%20AGRESSIVITE%20NATURELLE%20ET%20VIOLENCE%20SOCIALE%201986%2014%20Pages%20967%20Ko.pdf

https://www.psychaanalyse.com/pdf/KONRAD%20LORENZ%20L%20agression%20une%20histoire%20naturelle%20du%20mal%2012%20Pages%20332%20Ko.pdf 

- The ethological approach to aggression. P. J. B. SLATER

https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/S0033291700054908

- Archer, J. (1976). The organisation of aggression and fear in vertebrates. In Perspectives in Ethology Vol. 2 (ed. P. P. G. Bateson and P. H. Klopfer), pp. 231-296. Plenum Press: New York.

https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4615-7572-6_7

- Dawkins, R. (1976). The Selfish Gene. Oxford University Press: Oxford.

https://ia601602.us.archive.org/6/items/pdfy-RHEZa8riPwBuUyrV/The%20Selfish%20Gene.pdf

- Hinde, R. A. (1974). Biological Bases of Human Social

https://archive.org/details/biologicalbaseso00hind/page/n9/mode/2up

- Behaviour. McGraw-Hill: New York. Lorenz, K. (1966).

- On Aggression. Methuen: London. Maynard Smith, J. (1978). The evolution of behavior.

Scientific American 239 (3), 136-145. Slater, P. J. B. (1979).

https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/abs/on-aggression-by-konrad-lorenz-translated-by-marjorie-latzke-with-a-foreword-by-sir-julian-huxley-london-methuen-1966-price-30s-pp-xiv273/9D4CA01917F452CD73C989F10E4CB71A

- The ethology of aggression. In The Psychopharmacology of Aggression (ed. M. Sandier), pp. 5- 19. Raven Press: New York.