14/11/2023
Les termes « intelligemment » et « self-défense » semblent paraître totalement antinomique. Pourtant, l’un ne devrait pas aller sans l’autre. Assurer sa sécurité personnelle correctement sans maîtriser les fondamentaux du processus de décision humain, est illusoire.
Sauf s’il on souhaite continuer à appliquer les méthodes archaïques, qui consistent à envoyer au combat, la fleur au fusil, des humains sans formation.
Nous prenons des centaines de décisions chaque jour. Il est estimé qu'un adulte prend environ 35 000 décisions conscientes quotidiennement (1) dans divers contextes, y compris, mais sans s'y limiter, dans la pratique personnelle et professionnelle.
La prise de décision est considéré comme un noyau du processus cognitif du comportement humain et peut être défini comme le processus de choix d'une option ou d'une action parmi un ensemble d'alternatives basées sur des critères ou des stratégies (2).
Il est fréquent que nous prenions de nombreuses décisions dans des situations stressantes (3). Beaucoup de celle-ci doivent être prises quotidiennement sous l'effet du stress, et de nombreuses situations décisionnelles provoquent elles-mêmes des réactions de stress.
Le stress et la prise de décision sont donc étroitement liés, non seulement au niveau comportemental mais aussi au niveau neuronal. Autrement dit, les régions du cerveau responsables d’une prise de décision intacte sont celles qui sont sensibles aux changements induits par le stress (3). Se défendre intelligemment en self-défense commence donc par la connaissance des effets du stress sur la prise de décision.
La fondation de la santé mentale (4) définit le stress comme « le sentiment d'être submergé ou incapable de faire face à la pression mentale ou émotionnelle », qui est déclenchée à la suite de l'expérience de quelque chose de nouveau, d’une situation ou d'un événement inattendu.
La recherche a montré qu'il existe une association entre le stress et la prise de décision, qui est souvent de nature négative (5).
En effet, des travaux précédents effectués entre 2008 et 2012 (5) indiquent que :
Sans même aborder le sujet de se défendre, le stress peut avoir un impact négatif sur les situations de vigilance telles que la gestion d’une altercation dans les transports en commun ou dans le cadre familiale. Comment prendre intelligemment une décision qui pourrait mettre son intégrité physique en jeu, si le stress à un impact notoire (6).
Il est donc évident que prendre des décisions sous stress peut et conduit souvent à des résultats indésirables tels qu'une distraction accrue et une augmentation du temps de réaction due à une prise de décision précipitée (7).
Selon son activité professionnelle, son cadre de vie, son âge… De nombreuses décisions doivent être prises sous pression et sous l’effet d’un stress plus ou moins important.
La self-défense du quotidien se doit d’être psychologique, émotionnel et occasionnellement physique. Comment faire face et se défendre intelligemment lors de prises de décisions sous l’effet du stress et qui comprennent le choix des bonnes alternatives ?
De nombreuses situations de décision suscitent elles-mêmes des réactions de stress. La décision du moment de fuir de la manière la plus efficace ou la décision qui a des conséquences importantes pour son intégrité, sont en soi, une somme de source de stress qu’il faut apprendre à gérer.
Les régions du cerveau qui sont associées à la prise de décision intacte sont sensibles aux changements induits par le stress. Néanmoins, les études qui ont étudié l'effet de l'exposition au stress et des réactions au stress sur la performance décisionnelle sont rares par rapport à la richesse des études qui ont étudié la performance de la mémoire sous stress (8).
Le stress est un modulateur puissant de la fonction de mémoire. Cependant, la mémoire n'est pas un processus unitaire et le stress semble exercer des effets différents selon le type de mémoire étudié. L’entraînement, comme tout apprentissage fait partie inhérente d’une mémoire comportementale de gestes de self-défense.
Pourtant, sans entraînement sous stress (compétition, combat souple...), les résultats de recherches (8) renforcent l'opinion selon laquelle le stress aigu peut être très perturbateur pour le traitement de la mémoire de travail.
Il est donc bien établi par la littérature scientifique que le stress entraîne une restriction ou un rétrécissement de la concentration attentionnelle. La décision de se défendre acquise par un entraînement régulier en self-défense est donc elle aussi perturbé.
Même s’il ne faut jamais compter sur qui que ce soit dans des situations conflictuelles, qu’en est il dans le contexte de groupe ?
Les résultats d’une étude (8) qui a eu recours uniquement à l'expérience de terrain, chez des professionnelles, a révélé que le stress entraînait un rétrécissement de la perspective d’équipe et que cette perspective était un prédicteur important de la performance de l’équipe.
De plus, lorsque les effets de la perspective d’équipe étaient contrôlés, les effets du stress sur la performance de l’équipe étaient considérablement affaiblis.
Ces résultats suggèrent que le stress affecte singulièrement la performance de l’équipe en rétrécissant ou en affaiblissant la perspective au niveau de l’équipe requise pour un comportement de groupe efficace.
Alors que nous prenons plusieurs décisions au quotidien, des professionnelles comme les pompiers sont appelés à prendre des décisions importantes, en quelques secondes, et dans des situations mettant leur vie et celle des autres en danger.
Le stress peut donc avoir un impact sur leur capacité à performer et à mener à bien leur travail. Les imbrications du stress sont tout aussi importantes dans d'autres contextes nécessitant une grande concentration.
L’objet de cette recherche avait pour objectif de contribuer aux efforts visant à mieux former les pompiers à la prise de décision en situation de stress grâce à une solution de « jeu sérieux ».
Le jeu a été conçu sur la base de l'approche Stress Exposure Training (SET) et conformément aux facteurs de stress typiques identifiés dans la littérature scientifique. Ce jeu est décliné dans le cadre de formations militaires, de l'aviation, de la médecine d'urgence, de l'exploitation minière, de la plongée sous-marine… Et pas suffisamment dans les formations en self-défense, pour apprendre à se défendre intelligemment.
L'évaluation du jeu résultant était double :
Les résultats (10) démontrent le potentiel des jeux sérieux pour aider à la formation des pompiers à prendre de meilleures décisions dans des situations stressantes.
Les résultats sont d'une plus grande importance car ils contribuent aux efforts continus pour améliorer la prise de décision en situation de stress dans une variété de contextes et de scénarios.
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Sources :
(1) Bad Moves: How decision making goes wrong, and the ethics of smart drugs. Sahakian et LaBuzetta, 2013
https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=sFFoAgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PP1&ots=9VVmSNKU92&sig=w9lHfVbibce0hwehNM1SP3ogONE&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false
(2) A layered reference model of the brain. Y. Wang, Y. Wang, S. Patel, D. Patel. IEEE Trans. Syst., Man, Cybern., Part C (Applications and Reviews), 36 (2) (2006), pp. 124-133. https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/1624538
R.A. Wilson, F.C. Keil. The MIT Encyclopedia of the Cognitive Sciences. MIT Press (2001). https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=-wt1aZrGXLYC&oi=fnd&pg=PR13&ots=96VA57Q_bs&sig=tP6aNnb2T2J58MUqI6xwjPZTMx0&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false
(3) K. Starcke, M. Brand. Decision making under stress: a selective review. Neurosci. Biobehav. Rev., 36 (4) (2012), pp. 1228-1248. https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149763412000218
(4) https://www.mentalhealth.org.uk/explore-mental-health/a-z-topics/stress
(5) A. Galvan, A. Rahdar The neurobiological effects of stress on adolescent decision making Neuroscience, 249 (2013) https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306452212010068
M.A. Staal. Stress, Cognition, and Human Performance: A Literature Review and Conceptual Framework.https://ntrs.nasa.gov/citations/20060017835
https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fa0013281
K. Starcke, O.T. Wolf, H.J. Markowitsch, M. Brand. Anticipatory stress influences decision making under explicit risk conditions. Behav. Neurosci., 122 (6) (2008), p. 1352 https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fa0013281
(6) F.M. Williams-Bell, B. Kapralos, A. Hogue, B. Murphy, E. Weckman. Using serious games and virtual simulation for training in the fire service: a review. Fire Technol., 51 (3) (2015), pp. 553-584. https://link.springer.com/article/10.1007/s10694-014-0398-1
(7) J.E. Driskell, E. Salas, J. Johnston. Does stress lead to a loss of team perspective ? Group Dyn., 3 (4) (1999), p. 291. https://www.scopus.com/record/display.uri?eid=2-s2.0-1842747029&origin=inward&txGid=206dd93a9b895f8671b37dee594825a7
(8) Stress Effects on Working Memory, Explicit Memory, and Implicit Memory for Neutral and Emotional Stimuli in Healthy Men. Mathias Luethi, Beat Meier, and Carmen Sandi
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2628592/
(9) J.E. Driskell, E. Salas, J. Johnston
Does stress lead to a loss of team perspective?
Group Dyn., 3 (4) (1999), p. 291
https://psycnet.apa.org/record/1999-01744-006
(10) https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1071581922000192