21/02/2025

Crimes au couteau : comment médias et publicitaires vendent la peur

Crimes au couteau : comment médias et publicitaires vendent la peur

En France, les crimes au couteau font régulièrement la une des médias, alimentant un sentiment d’insécurité permanent.

Pourtant, les chiffres officiels et les études sociologiques révèlent souvent une réalité bien moins alarmiste.

Ces dernières années, ils occupent une place disproportionnée dans l’espace médiatique.

Alors que les statistiques officielles montrent une réalité bien plus complexe et nuancée, la presse mainstream et les publicitaires construisent un récit anxiogène, transformant des crimes qui existent et existeront toujours, en symbole d’une insécurité généralisée.

Derrière cette amplification se cachent des techniques de manipulation des chiffres, des biais cognitifs exploités et des intérêts économico-politiques.

Cet article sans concession décrypte les techniques de propagande bien connues, employées pour transformer un phénomène en une menace omniprésente, en instrumentalisant les émotions de la population française.

La manipulation des chiffres : travestir le réel pour créer l’émotion

Les chiffres bruts sont une arme de désinformation massive. Les médias isolent volontairement les données sur les coups de couteau sans les rattacher à des tendances longues ou à d’autres types de violences.

Exemple concret :

  • En 2022, le ministère de l’Intérieur (1) recense 1 248 homicides en France, dont moins de 15 % impliquent une arme blanche (qui n'est pas forcément un couteau) (rapport 2023).
  • Pourtant, 80 % des reportages télévisés sur les homicides en 2023 ciblent spécifiquement les couteaux (Observatoire des médias Acrimed, 2023) (2).

Une comparaison plus que révélatrice :

  • Les accidents domestiques tuent 20 000 personnes par an en France (3), soit 16 fois plus que les homicides, mais ils font l’objet de 10 fois moins de couvertures médiatiques (Le Monde, 2022).

Le paradoxe de la rareté : plus c’est rare, plus c’est médiatisé

Les crimes au couteau dans l’espace public sont statistiquement rares (3 % des violences selon l’ONDRP) (4), mais leur couverture médiatique est inversement proportionnelle à leur fréquence réelle.

Une des techniques utilisés pour vendre cette peur est un mécanisme psychologique bien connu des publicitaires :

  • Le biais de disponibilité (Tversky et Kahneman, 1973) (5) pousse le public à surestimer les risques associés à des événements médiatisés, même s’ils sont rares.

Quand on lit cela, il est de salubrité public de s’inquiéter sur notre confiance envers les médias :

  • Une étude de l’INA de (2021) révèle que 70 % des reportages sur la criminalité en France entre 2015 et 2020 concernaient des faits exceptionnels (attentats, tueries de masse), alors qu’ils représentent moins de 1 % des crimes (7).

Les recettes médiatiques de la peur : titres, images et biais narratifs

Le « clic-bait émotionnel » ou « piège à clic » (6) sont des titres alarmistes et des images choc :

  •  Utiliser des verbes à l’infinitif ( « Arrêter l’hémorragie ! » ) ou des métaphores guerrières ( « La France saigne » ) pour dramatiser. Effet garanti !

Exemple réel : en octobre 2023, CNews titre « Insécurité : une ville française sur deux sous la menace des couteaux », alors que les données du SG-CIPDR (8) indiquent que seule 0,2 % des communes ont enregistré un homicide par arme blanche (qui ne sont de plus, pas forcément des couteaux) en 2022.

  • L’effet « loupe » : zoomer sur les détails sanglants et omettre le contexte. Les reportages détaillent le type de couteau, les blessures, ou le profil de la victime, mais ignorent systématiquement :
  • Ne pas faire de lien avec les causes socio-économiques (précarité, trafics) qui sont derrière 70 % des violences (rapport CESDIP, 2022) (9).
  • Occulter la baisse de 40 % des homicides en France depuis les années 1990 (Insee, 2023).

La fabrique du témoin-vedette pour légitimer la peur par l’émotion

Cette méthode est la marque de fabrique des chaînes en continu qui n’ont strictement aucune information dans 99 % de leur temps d’antenne.

  • Cas étudié : après une attaque au couteau à Paris en 2023, BFMTV a consacré 43 minutes sur 60 à des témoignages de riverains effrayés, contre 2 minutes à l’analyse des statistiques policières (Observatoire de l’audiovisuel, 2023).

Ce genre de méthode additionné à un matraquage par répétition à une incidence délétère sur la population.

Le neuroscientifique Antonio Damasio explique dans « L’Erreur de Descartes » (10) en 1994 que les récits émotionnels activent l’amygdale cérébrale, inhibant la pensée critique.

Publicité et réseaux sociaux : l’industrie de la peur rémunérée

Les campagnes sécuritaires ne sont basées que sur du marketing axé sur l’angoisse et de surcroît, il n’y aucune preuve que les dizaines de campagnes de prévention routière ont fait baisser la mortalité.

  • La société Verisure (alarmes) a diffusé en 2023 une publicité avec une carte de France truffée de pictogrammes de couteaux, suggérant une « épidémie de violence ». Pourtant, le ministère de l’Intérieur précise que 80 % des crimes au couteau ont lieu dans un cadre familial, non visé par ces dispositifs.
  • Étrangement, le marché des caméras de surveillance a bondi de 62 % en France entre 2020 et 2023 (GFK, 2023), parallèlement à la médiatisation des crimes.

Les algorithmes complices : comment Twitter et TikTok amplifient la panique

Une vidéo TikTok non vérifiée sur une « vague de crimes au couteau à Marseille » a généré 2,3 millions de vues en 48 heures en janvier 2024.

L’AFP « Factuel » a pourtant démontré que les chiffres avancés étaient surévalués de 300 %.

Les algorithmes sont complices de ces mécanismes de peur. Une analyse du MIT Media Lab (2023) (11) montre que les publications liées à la peur ont 4 fois plus de chances d’être partagées, même si elles sont fausses.

Dans ce cas, la réponse est simple : ce n’est uniquement que pour l’argent.

Les intérêts cachés : qui profite de la peur ?

L’audimat, donc l’argent, sont le nerf de la guerre médiatique.

  • Des chiffres relativement éloquents : les émissions sur l’insécurité réalisent en moyenne 22 % d’audience en plus que les autres sujets sociaux (Médiamétrie, 2023).
  • Exemple : le magazine Capital (M6) a consacré 5 numéros aux « Zones de non-droit » en 2023, augmentant sa part de marché de 18 % sur ces créneaux.

Les stratégies politiques : le « populisme sécuritaire »

Le discours type de diabolisation : « La France est devenue un coupe-gorge » (2024) (15).

Pourtant, la France est classée 31e sur 163 pays pour son taux d’homicides (Global Peace Index, 2023) (12), derrière les États-Unis ou le Brésil.

Le chercheur Sebastian Roché (La Société d’hostilité, 2023) (13) détaille dans son ouvrage comment certains partis politiques instrumentalisent les faits divers pour détourner l’attention des crises sociales.

Des solutions ? Désintoxiquer l’information

Face à ce matraquage émotionnel, des solutions existent :

  • En priorité, ne jamais faire confiance aux médias mainstream.
  • Faire son travail de citoyen et croiser les sources.
  • Confronter les articles avec les rapports de l’Insee ou de l’ONDRP.
  • Décoder les titres : une méfiance envers les superlatifs ( « explosion », « vague » ) non étayés.

Comme le résume la sociologue Monique Dagnaud en 2022 : « La peur est devenue le fonds de commerce d’une alliance toxique entre médias, politiques et plateformes numériques. Savoir la décrypter, c’est déjà s’en libérer. »


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